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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Air France contre Nacer Messili

Litige n°DCO2010-0039

1. Les parties

Le Requérant est la société Air France, Roissy Charles de Gaulle, France, représenté par le cabinet Meyer & Partenaires, France.

Le Défendeur est Nacer Messili, Colombes, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <air-france.co>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est 1&1 Internet AG.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la société Air France auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 12 novembre 2010.

En date du 12 novembre 2010, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, 1&1 Internet AG, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 15 novembre 2010, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 22 novembre 2010, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 décembre 2010. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. Les 13 et 22 décembre 2010, le Centre a notifié le défaut du Défendeur.

En date du 23 décembre 2010, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Marie-Emmanuelle Haas. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La société Air France (ou "Air France") est l’une des plus importantes compagnie aérienne du monde, basée en France, et dont les origines remontent à 1993. Elle effectue quotidiennement 1,700 vols à destination de 244 villes dans 98 pays et emploie en 2008 plus de 63,000 salariés. Pour la période 2008-2009, Air France a transporté 74,4 millions de passagers et à dégagé un chiffre d’affaire de 23,9 milliards d’euro.

Elle est présente sur Internet par l’intermédiaire de son site web, à vocation internationale, à l’adresse "www.airfrance.com", depuis 1997. Ce site génère à lui seul un trafic mensuel de plus de 12 millions de visiteurs uniques.

La société Air France est titulaire de nombreuses marques AIR FRANCE, ainsi que de noms de domaine composés de sa dénomination sociale Air France et notamment enregistrés sous des extensions nationales.

La société Air France fait état de ses droits sur plus de 4,500 marques dans la quasi-totalité des pays du monde, dont un grand nombre, environ 900 sont constituées en tout ou en partie de la dénomination Air France et elle revendique la notoriété et la renommée mondiale de sa marque.

Parmi ces marques, elle cite sa marque verbale française AIR FRANCE n° 1703113 enregistrée le 31 octobre 2001 dans 42 classes, sa marque française AIR FRANCE, avec une écriture distinctive n° 08 3575442 enregistrée le 15 mai 2008 dans 15 classes et ses marques colombiennes AIR FRANCE n° 309673, enregistrée le 29 décembre 2005 en classe 35, et AIR FRANCE n° 309671 enregistrée le 29 décembre 2005 en classe 38.

La société Air France a constaté qu’une personne physique, dénommée Nacer Messili, domiciliée selon l’extrait whois du nom de domaine <air-france.co> à Colombes, en France, avait enregistré le nom de domaine <air-france.co> le 26 juillet 2010. Selon l’extrait whois, il est à la fois titulaire et contact administratif de ce nom de domaine, enregistré auprès du Bureau d’enregistrement 1&1 Internet SARL domicilié à Sarreguemines également en France.

La société Air France a mis en demeure Monsieur Messili le 14 septembre 2010 et lui a notifié ses droits sur la dénomination Air France, pour lui demander le transfert du nom de domaine <air-france.co>.

Tandis que l’envoi postal par recommandé à été retourné avec la mention "non réclamé", l’envoi par courrier électronique à l’adresse mentionnée sur l’extrait whois a eu lieu, sans anomalie technique.

Suite à l’envoi de la mise en demeure, une personne, dénommée Monsieur Sébastien a pris contact avec le conseil de la société Air France, par deux courriels électroniques non signés, invitant la société Air France à formuler une offre de rachat du nom de domaine <air-france.co>. Ce courriel précisait que "si la transaction prenait une autre tournure, travaillant dans le domaine de l’audiovisuel, [il se] verrai[t] dans l’obligation de porter l’affaire devant les médias". La société Air France a alors demandé au Défendeur de formuler une offre de revente, en précisant qu’il était disposé à racheter le nom de domaine au prix public annuel du bureau d’enregistrement, soit une quarantaine d’euro.

La réponse en date du 7 octobre 2010 a consisté à détailler une méthode pour obtenir une expertise chiffrée du nom de domaine, par un courtier professionnel. C’est alors que, le 7 octobre 2010, la société Air France a répondu en indiquant qu’elle maintenait sa position de rachat initial, sa réponse ayant été envoyée en copie à l’adresse électronique du Défendeur. Ces échanges de courriels sont restés sans suite.

Dans ces circonstances, la société Air France a été contrainte d’engager la présente procédure.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

La société Air France fonde sa demande sur ses droits à titre de marque. Elle revendique la notoriété et la renommée mondiale de sa marque, qui a d’ores et déjà été reconnue dans de précédentes procédures extrajudiciaires.

Elle fait valoir que le nom de domaine litigieux est identique à la marque AIR FRANCE, étant rappelé que l’extension n’est pas prise en compte dans le cadre de la comparaison des signes en conflit.

La société Air France soutient que le Défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur le nom domaine litigieux, dans la mesure où elle n’est pas en relation avec cette personne qui, par ailleurs, n’est pas un agent de la société Air France.

S’agissant de la personne qui s’est présentée sous le nom de Monsieur Sébastien, elle est également étrangère à la société Air France.

Le nom de domaine <air-france.co> active une page temporaire du prestataire d’hébergement en charge de ce nom de domaine.

Le Requérant considère que cette activation ne constitue pas une offre de bonne foi de produits ou services au sens du paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs, ni un usage non commercial ou loyal, au sens du paragraphe 4(c)(iii) des mêmes Principes directeurs.

Aucun élément disponible ne permet de justifier d’un quelconque droit ou intérêt légitime du Défendeur sur le nom de domaine litigieux.

Sur la question de l’enregistrement et de l’usage de mauvaise foi, la société Air France rappelle sa solide réputation et sa notoriété mondiale depuis 70 ans et le fait qu’elle est une société française, pays dont le Défendeur est manifestement ressortissant.

Le Défendeur étant vraisemblablement citoyen français et en tout cas résident en France, il ne pouvait ignorer la marque notoire AIR FRANCE lorsqu’il a procédé à l’enregistrement du nom de domaine <air-france.co>.

L’enregistrement de mauvaise foi a ainsi été reconnu dans une précédente décision qui a opposée la société Air France au titulaire des noms de domaine <airfrance-klm.biz>, <airfrance-klm.net> et <airfrance-klm.org> (Air France contre Arnaud Gautier, Litige OMPI No. D2003-0830).

La société Air France en conclut que le Défendeur avait parfaitement connaissance de ses droits sur la marque AIR FRANCE lors de l’enregistrement et qu’il se référait indubitablement à la société Air France lorsqu’il a procédé à cet enregistrement, ce qui caractérise la mauvaise foi.

Sur la question de l’utilisation de mauvaise foi, la société Air France déclare que l’usage du nom de domaine litigieux pour donner accès à une page temporaire du bureau d’enregistrement laisse supposer que le Défendeur n’a mis en place aucune activation spécifique pour ce nom de domaine, mais qu’il a conservé l’activation par défaut mise en place par son prestataire.

Elle en conclut que l’inaction du Défendeur peut être assimilée à une forme de détention passive et que, en tout état de cause, le caractère passif ou actif de la détention du nom de domaine litigieux n’a aucune incidence sur sa mauvaise foi.

La société Air France analyse cette situation sous deux angles. Elle propose de la qualifier d’utilisation active de mauvaise foi, au motif que le Défendeur en était informé et que, suite à la mise en demeure, il ne pouvait ignorer qu’elle était illégitime.

L’autre approche consiste à considérer que "l’activation d’une page temporaire du prestataire d’hébergement" est une forme de "détention passive".

Elle fait alors référence à des décisions passées rendues dans des circonstances comparables qui ont conclu à la mauvaise foi du Défendeur (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Télévision Française 1 v. The Fork 1, Litige OMPI No. D2000-0747; Christian Dior Couture SA v. Liage International Inc), Litige OMPI No. D2000-0098).

Pour caractériser la mauvaise foi, la situation doit être examinée en prenant en compte les échanges de courriels qui ont fait suite à la mise en demeure et qui ont été adressés par un certain Monsieur Sébastien, qui a tenté de proposer un transfert à titre onéreux, en menaçant de faire état du différent dans les médias.

Il est ajouté que le Défendeur est titulaire de 1, 502 noms de domaines dont des noms de domaine composés de la dénomination Coupe du Monde, tels que <coupedumonde2014.biz>, <coupedumonde2018.biz>, <coupedumonde2018.info> (…).

Ces noms de domaine donnent tous accès à la même page temporaire du prestataire du Défendeur.

Cette situation est présentée comme attestant de la stratégie du Défendeur qui est d’anticiper des projets de communication importants, associés à des marques notoires, selon une démarche type, formatée, susceptible d’être répliquée pour d’autres noms de domaine et d’autres titulaires.

S’agissant du nom de domaine <air-france.co>, la société Air France précise que le Défendeur "a profité malicieusement du contexte de récente ouverture administrative de l’expansion nationale colombienne (".co") pour perturber la présence en ligne du requérant" et pour lui imposer le rachat du nom de domaine à hauteur d’un prix dépassant "les seules dépenses d’acquisition du Défendeur".

La proposition de faire évaluer le prix d’acquisition par un courtier, démontre que le Défendeur cherchait à maximiser le profit qu’il pouvait tirer de la revente du nom de domaine <air-france.co>.

Le Requérant en conclut à l’utilisation de mauvaise foi du nom de domaine <air-france.co> par le Défendeur.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.

6. Discussion et conclusions

Il appartient au Requérant de prouver que (Principes directeurs, paragraphe 4(a)):

i) le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle il a des droits; et

ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et

iii) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est constituée lorsqu'il apparaît que le nom de domaine litigieux est identique ou susceptible d’être confondu avec une marque sur laquelle le Requérant a des droits.

Le Requérant prouve qu'il a des droits, en particulier en France et en Colombie sur la marque AIR FRANCE et la renommée mondiale de sa marque est incontestable.

La Commission administrative considère que le nom de domaine <air-france.co> est identique aux marques du Requérant.

Les seules différences résident dans l’extension ".co" et dans le trait d’union "-", qui peuvent ne pas être pris en compte pour procéder à la comparaison. Dès lors, le Requérant justifie que le nom de domaine <air-france.co> est identique à la marque AIR FRANCE sur laquelle le Requérant a des droits.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le Requérant déclare ne pas connaître le Défendeur, ni la personne qui l’a contacté par courrier électronique suite à l’envoi de la mise en demeure. Il ne peut donc leur avoir consenti une quelconque autorisation.

Le Requérant ayant démontré prima facie l’absence de droits et d’intérêts légitimes du Défendeur sur le nom de domaine litigieux, c’est au Défendeur que revient la charge de la preuve de son éventuel droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

A défaut de réponse à la plainte, aucun élément ne peut être pris en compte par la Commission administrative.

Bien au contraire, la Commission administrative ne peut ignorer la renommée mondiale de la marque AIR FRANCE et le fait que la réaction à la mise en demeure a été une tentative de négociation financière pour transfert du nom de domaine litigieux, sous la forme d’un échange de courriels pour les besoins desquels le Défendeur a jugé utile d’adopter un nom de circonstance.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission administrative considère que le Défendeur ne justifie d'aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon les Principes directeurs (paragraphe 4(b)), la preuve de l’enregistrement et de l’utilisation de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, par les circonstances ci-après:

i) les faits montrent que vous avez enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

ii) vous avez enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et vous êtes coutumier d'une telle pratique,

iii) vous avez enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

L’absence de réponse du Défendeur à la plainte est prise en compte par la Commission administrative, pour considérer que les faits tels que décrits dans la plainte sont exacts.

Le Requérant est mondialement connu, de telle façon qu’il est impossible de considérer que le Défendeur n’avait pas connaissance des droits du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine, d’autant plus qu’il est domicilié en France, même s’il n’est pas prouvé qu’il est un ressortissant français.

Son rattachement à la France est confirmé par le fait qu’il a choisi d’enregistrer le nom de domaine litigieux auprès d’un bureau d’enregistrement domicilié en France et qu’il s’est exprimé en français dans le cadre des échanges intervenus.

L’enregistrement mis en cause a eu lieu le 26 juillet 2010, soit seulement quelques jours après l’ouverture totale, le 20 juillet 2010, de l’extension ".co", sans condition, selon la seule règle du "premier arrivé, premier servi".

Le Défendeur a profité de cette ouverture pour prendre l’initiative de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, comme c’est souvent le cas dans ce type de situation.

Dans ces conditions et selon les faits décrits par le Requérant, la Commission administrative considère que le Défendeur a :

- enregistré le nom de domaine <air-france.co> en vue d’empêcher le Requérant, propriétaire de la marque AIR FRANCE, de reprendre sa marque sous forme d’un nom de domaine sous l’extension ".co", en parfaite connaissance des droits du Requérant sur sa marque mondialement renommée ;

- enregistré le nom de domaine <air-france.co> de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b)(i) des Principes directeurs.

La question est posée de savoir si le fait que le nom de domaine litigieux donne accès à la page mise en ligne par défaut par le bureau d’enregistrement, également appelée "page d’attente", caractérise une utilisation active ou passive de ce nom de domaine par le Défendeur.

Comme la marque, le nom de domaine peut être utilisé par son titulaire ou par un tiers autorisé, ce qui conduit à s’interroger sur la prise en compte de cet usage et sur sa conséquence quant à l’analyse de la mauvaise foi lors de l’utilisation du nom de domaine litigieux.

Le Défendeur a eu connaissance de cet usage, pour le moins suite à la mise en demeure.

La mise en ligne de cette page par défaut est un processus automatisé mis en place par le bureau d’enregistrement, qui utilise cette page pour informer le public que "ce nom de domaine vient d’être enregistré pour l’un de nos clients", en association avec sa propre marque, avec des liens vers son propre site, sans mention du nom de domaine sur cette page mise en ligne par défaut.

Cette "page d’attente" est identique pour tous les noms de domaine enregistrés par chaque bureau d’enregistrement et c’est une pratique habituelle.

Le seul usage de <air-france.co> résulte de l’URL ("Uniform Resource Locator") ainsi activée par défaut.

La mise en ligne de cette page signifie que le nom de domaine est enregistré, en révélant uniquement le nom du bureau d’enregistrement qui utilise ainsi à titre gratuit le nom de domaine pour faire sa propre publicité.

Elle signifie que le titulaire du nom de domaine n’a pas pris l’initiative d’indiquer au bureau d’enregistrement les DNS de son choix ou n’a pas procédé à une redirection, ce qui caractérise un comportement passif.

Les conditions générales du bureau d’enregistrement qui sont communiquées par le Requérant comportent un article "contenu des pages web" qui ne prévoit pas les modalités de la mise en ligne d’une page par défaut à l’initiative du bureau d’enregistrement. Rien ne permet d’identifier si le titulaire du nom de domaine pouvait efficacement demander le retrait de cette page.

Il en résulte que le Défendeur n’est pas intervenu dans le cadre de l’usage identifié, ce qui conduit à qualifier l’usage mis en cause d’utilisation passive.

L’affaire Telstra a introduit le concept d’usage passif qui s’applique aux noms de domaine non exploités (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).

Selon cette décision, il s’agit d’examiner dans chaque cas les circonstances de l’affaire pour rechercher et caractériser la mauvaise foi.

Les critères retenus sont notamment les suivants : la réputation et la renommée de la marque, la possibilité, eu égard aux faits de l’espèce, de considérer que le Défendeur pouvait ou ne pouvait pas procéder à un usage légitime du nom de domaine mis en cause.

Dans la présente affaire, les faits concordent pour conclure à un usage de mauvaise foi au sens de l’article 4(b) des Principes directeurs :

- la marque AIR FRANCE est mondialement connue et renommée ;

- le Défendeur a agi en parfaite connaissance des droits du Requérant ;

- le Défendeur a tenté de monnayer le transfert du nom de domaine litigieux ;

- le Défendeur n’était pas en mesure de faire un usage loyal et légitime du nom de domaine litigieux.

Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission administrative considère que la détention passive du nom de domaine <air-france.co> caractérise un usage de mauvaise foi.

La Commission administrative, au vu de l’ensemble des éléments présentés ci-dessus, considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

7. Décision

En vertu des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <air-france.co> au profit du Requérant.

Marie-Emmanuelle Haas
Expert Unique
Le 11 janvier 2011