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Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Vernet contre Thierry Ehrmann, Artprice.com

Litige No. D2013-1956

1. Les parties

Le Requérant est Société Vernet, Ollainville, France, représenté par ORIA A.A.R.P.I., France.

Le Défendeur est Thierry Ehrmann, Artprice.com, Saint Romain au Mont d’Or, France, représenté à l’interne.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <vernet.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Network Solutions, LLC.

3. Rappel de la procédure

Une plainte en français a été déposée par Société Vernet auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 14 novembre 2013.

En date du 15 novembre 2013, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Network Solutions, LLC, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 novembre 2013, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le 21 novembre 2013, le Centre a communiqué aux parties que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est l’anglais et a invité le Requérant à fournir au Centre au moins une des preuves suivantes: (i) la preuve suffisante d’un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en français; ou (ii) déposer une plainte traduite en anglais; ou (iii) déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure.

Le 21 novembre 2013, le Requérant a adressé une requête au Centre pour que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur n’a pas répondu à la requête du Requérant.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 3 décembre 2013, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 23 décembre 2013. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse en français le 20 décembre 2013.

En date du 9 janvier 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Alexandre Nappey. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est la société VERNET, une société française spécialisée dans la production et le commerce de pièces automobiles ainsi que d’équipement sanitaire et de matériel de chauffage.

Le Requérant exploite la dénomination VERNET à titre de dénomination sociale et d’enseigne depuis plusieurs décennies.

Il est également titulaire de plusieurs marques constituées ou composées de la dénomination VERNET, parmi lesquelles:

- marque française semi-figurative PROCEDES VERNET, déposée le 11 avril 1991, sous le n° 1655118 et enregistrée pour des produits des classes 6, 7, 9, 11 et 12;

- marque française verbale VERNET, déposée le 21 juin 2000, sous le n° 3036983 et enregistrée pour des produits des classes 7, 9, 11 et 12;

- marque communautaire verbale VERNET, déposée le 28 décembre 2006, sous le n° 5620661 et enregistrée pour des produits des classes 7, 9, 11 et 12;

- marque internationale verbale VERNET, déposée le 14 novembre 2000, sous le n° 759828 et enregistrée pour des produits des classes 7, 9, 11 et 12.

Le Requérant présente ses activités et ses gammes de produits sur Internet par l’intermédiaire d’un site Internet accessible à partir du nom de domaine <vernet.fr>.

Le Défendeur est Monsieur Thierry EHRMAN, fondateur de la société ARTPRICE, leader international de la cotation du marché de l’art sur Internet.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <vernet.com> le 9 avril 1997.

A la date de la présente décision, le nom de domaine litigieux renvoie par un lien hypertexte profond vers une page du site Internet “www.artprice.com” consacrée au peintre Joseph Vernet.

Après avoir eu connaissance de l’existence de ce nom de domaine, le Requérant a tenté d’entrer en contact avec le Défendeur.

Le 23 août 2010, et par l’intermédiaire de son Conseil en Propriété Industrielle, le Requérant l’a en effet sollicité afin d’examiner la possibilité et les conditions d’une éventuelle cession du nom de domaine litigieux.

Le 10 novembre 2010, un collaborateur du Défendeur accusait réception de ce message et invitait le Requérant à se rapprocher d’une autre personne, directement en contact avec le Défendeur.

Or, malgré un courrier électronique en ce sens, le jour même, et deux relances en date des 15 février 2011 et 28 avril 2011, le Défendeur n’a jamais daigné répondre au Requérant malgré la proposition financière qui lui était soumise.

Le Requérant a relancé le Défendeur, le 22 octobre 2012, en lui expliquant l’importance majeure revêtue par le nom de domaine litigieux, et en lui demandant de bien vouloir le lui céder, ce que le Défendeur a expressément refusé.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux <vernet.com> est similaire au point de prêter à confusion avec les droits exclusifs qu’il détient sur la dénomination VERNET, à titre de dénomination sociale, d’enseigne et de marque, précisant que, s’agissant des marques complexes ou semi-figuratives qu’il invoque, l’élément principal et distinctif est la dénomination VERNET.

Or, le fait que le nom de domaine litigieux soit constitué exclusivement de la dénomination VERNET est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public qui est susceptible de penser qu’il appartient au Requérant. Le fait que le nom de domaine litigieux soit détenu par le Défendeur est préjudiciable pour le Requérant qui ne peut disposer d’un nom de domaine à vocation internationale pour référencer ses produits, alors même qu’il revendique une importante présence sur le marché export.

Puis le Requérant estime que le Défendeur ne bénéficie d’aucun droit ou intérêt légitime qui se rattache au nom de domaine litigieux. Pour cela il retient que le Défendeur ou sa société n’ont aucun lien avec la dénomination VERNET et que le nom de domaine litigieux n’est pas véritablement exploité puisqu’il renvoie simplement vers une page du site de la société du Défendeur “www.artprice.com”

Enfin, le Requérant considère que le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine litigieux <vernet.com> de mauvaise foi. Pour cela, il évoque les échanges intervenus entre les parties ou leurs conseils préalablement à l’engagement de la présente procédure et soutient que le refus de vendre tout d’abord, puis de rétrocéder suite à la mise en demeure envoyée en octobre 2012 démontrent la mauvaise foi du défendeur qui connaissait parfaitement l’intérêt majeur que représente ce nom pour le Requérant.

Sur la base de ces éléments, le Requérant sollicite le transfert de propriété du nom de domaine litigieux <vernet.com> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 20 décembre 2013, dans le délai qui lui était imparti par le Centre.

En premier lieu, le Défendeur estime que le nom de domaine litigieux <vernet.com> n’est pas identique aux marques détenues par le Requérant et contenant le terme “vernet” ou leur dépôt est postérieur à I'enregistrement par le Défendeur du nom de domaine litigieux <vernet.com>.

Le Défendeur conteste par ailleurs les allégations du Requérant concernant l’exploitation de la marque VERNET et a fortiori la notoriété invoquée. Il avance par ailleurs que les produits de la société sont commercialisés sous d’autres marques, telle que “CALORSTAT” notamment.

Puis le Défendeur soutient qu’il n’existe aucun risque de confusion entre le nom de domaine litigieux <vernet.com> et les droits du Requérant en raison des domaines d’activité respectifs des parties qui sont totalement étrangers, traitement de données dans le domaine de l’art pour le Défendeur et sa société, pièces automobiles, équipement sanitaire et matériel de chauffage pour le Requérant.

Le Défendeur explique ensuite qu’il tire un intérêt légitime du fait que le nom de domaine litigieux a été enregistré dès 1997, afin de fournir des informations sur l'artiste Joseph Vernet, répertorié par Artprice dans sa liste d'artistes couverts par ses banques de données. C’est pourquoi le nom de domaine litigieux <vemet.com> affiche une page du site “www.artprice.com” opéré par la société du Défendeur, sur laquelle la fiche d'informations sur Joseph Vernet et sa biographie sont disponibles.

Enfin, le Défendeur conteste les allégations du Requérant sur sa mauvaise foi et rappelle qu’il a enregistré le nom de domaine litigieux trois ans avant l’enregistrement des marques identiques du Requérant, en indiquant ses véritables coordonnées. Depuis lors, le nom de domaine est utilisé pour renvoyer vers une page du site Internet exploité par sa société consacrée à l’artiste Joseph Vernet.

Le Défendeur rappelle qu’il n’a jamais eu l’intention de céder le nom de domaine litigieux, et qu’il a même refusé expressément les offres de rachat qui lui ont été transmises par le Requérant ou son conseil. Il estime que ce refus de céder le nom de domaine litigieux ne saurait constituer une circonstance de nature à démontrer sa mauvaise foi.

Enfin, le Défendeur considère que le caractère tardif de l’engagement de la procédure au regard de l’ancienneté du nom de domaine litigieux et l’absence de fondement de la demande déposée par le Requérant s’apparente à une tentative de recapture illicite de nom de domaine (“reverse domain name hijacking”).

Il conclut au rejet de la plainte.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera strictement à l'application des Principes directeurs et des Règles d’application.

Il en résulte qu'elle ne saurait avoir pour mission de trancher un conflit de propriété intellectuelle au regard du droit français des marques mais uniquement de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs sont cumulativement réunies.

En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n’est applicable qu’en ce qui concerne un litige relatif à un nom de domaine sur la base des critères suivants:

1) le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

2) le détenteur du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

3) le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Langue de procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

Dans sa plainte, soumise en français, le Requérant déclare qu’il ne dispose d’aucune information sur la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Il soutient néanmoins que la procédure doit être menée en français, eu égard aux circonstances particulières tenant notamment à la nationalité et au domicile des parties, et surtout au fait que les échanges intervenus entre elles avant la présente procédure ont été conduits exclusivement en français.

Or, le nom de domaine litigieux a été enregistré auprès d’une unité d’enregistrement américaine, sous l’empire d’un contrat d’enregistrement en anglais.

Considérant, d’une part, que le Requérant et le Défendeur sont français et établis en France, que le site Internet accessible actuellement sous le nom de domaine litigieux est en langue française, et que le Défendeur, qui ne conteste pas la demande du Requérant a lui-même formulé sa réponse dans cette langue, il n’est pas inéquitable de trancher le présent litige en français.

Dès lors, en vertu des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d’application, et en l’absence de contestation ou de demande dérogatoire émanant des parties, la Commission administrative confirme que la langue de la procédure administrative est le français.

B. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant revendique des droits antérieurs sur la dénomination VERNET, reprise à l’identique dans le nom de domaine litigieux <vernet.com>, à titre de dénomination sociale, enseigne et marque.

À titre liminaire, la Commission administrative constate qu’un certain nombre de droits invoqués par le Requérant ne sont pas expressément visés dans les Principes directeurs au titre des droits susceptibles de justifier de l’intérêt à agir d’un requérant: les Principes directeurs exigent en effet que soit démontrée l’existence d’un droit sur une marque de commerce ou de service, définition qui ne saurait être étendue à une dénomination sociale, une enseigne ou un nom de domaine.

En deuxième lieu, s’il est vrai que le Requérant détient des droits sur la marque verbale VERNET en France (2000) et au plan communautaire (2006), force est de constater que ces droits sont postérieurs à l’enregistrement du nom de de domaine par le Défendeur (1997).

Les Principes directeurs n’exigent pas formellement que la marque invoquée par le Requérant soit antérieure au nom de domaine litigieux. Le paragraphe 4(a)(i) stipule en effet que le: “(…) nom de domaine est identique à, ou d'une similitude prouvant prêtée à confusion avec une marque commerciale ou une marque de service dans laquelle le plaignant a des droits”.

Cette circonstance est sans effet sur l’appréciation de la condition posée au paragraphe 4(a)(i) mais peut avoir des conséquences sur l’analyse de la mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii).

Au demeurant, la Commission administrative constate que le Requérant démontre qu’il a des droits sur une marque semi-figurative constituée de la locution PROCÉDÉS VERNET et d’un graphisme de blason, ceci depuis 1991 en France et au plan international.

Pour les besoins de la comparaison entre le nom de domaine litigieux et la marque invoquée à son encontre, la jurisprudence retient la partie verbale d’une marque semi-figurative ou complexe lorsqu’une telle marque est invoquée par le Requérant.

Or, la Commission administrative estime que le nom de domaine litigieux <vernet.com> est indiscutablement similaire à la dénomination PROCÉDÉS VERNET présente dans la marque semi-figurative antérieure du requérant, dans la mesure où le terme “Vernet” en constitue l’élément attractif et arbitraire.

Voir pour une application récente dans une affaire similaire: JPMorgan Chase & Co. vs Marcos Cutino, Chase Savings and Loans, Litige OMPI No. D2013-1804.

De surcroît, le risque de confusion peut exister dans l’esprit du public dans la mesure où le Requérant utilise la dénomination Vernet de manière intensive à titre de signe distinctif principal.

En conséquence, la Commission administrative considère que le Requérant est titulaire de droits sur la marque VERNET et que le nom de domaine litigieux est identique ou à tout le moins similaire au point de prêter à confusion avec les marques du Requérant.

C. Droits ou légitimes intérêts

Il ressort tant de la plainte que de la réponse que le Défendeur ne détient aucun droit sur la dénomination VERNET, autre que celui qu’il tire de l’enregistrement du nom de domaine litigieux depuis 1997.

La question posée ici est surtout de savoir si le Défendeur bénéficie d’un intérêt légitime qui justifie la détention du nom de domaine <vernet.com>.

Or, sur ce point, la Commission administrative constate que l’argumentation des parties est relativement succincte: si le Requérant souligne que le Défendeur n’est absolument pas connu sous le nom “Vernet” et que le nom de domaine litigieux n’est pas sérieusement exploité, le Défendeur brandit l’ancienneté de l’enregistrement (près de 17 ans) et l’activation d’une page du site de sa société consacrée au peintre Joseph Vernet.

Les Principes directeurs dressent au paragraphe 4(c) une liste non exhaustive des circonstances dans lesquelles un titulaire de nom de domaine peut revendiquer un intérêt légitime sur celui-ci:

“(i) avant réception par vous de toute notification relative au litige, votre utilisation, ou vos travaux de préparation pouvant être démontrés en vue de l'utilisation du nom de domaine ou d'un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services de bonne foi ; ou

(ii) vous (en tant que personne, entreprise ou autre organisation) êtes généralement connu sous le nom de domaine, même si vous n'avez acquis aucun droit de propriété industrielle et commerciale ; ou

(iii) vous faites une utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine, sans intention d'en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l'image de la marque commerciale ou de la marque de service en question.”

Il résulte de l’étude des pièces fournies par les parties qu’au jour où le conseil du Requérant a contacté le Défendeur pour lui racheter le nom de domaine litigieux, ce dernier était déjà exploité pour rediriger les internautes vers le site “www.artprice.com” opéré par la société du Défendeur.

Cette exploitation peut être interprétée comme correspondant à une offre indirecte de service, celle-ci ayant été mise en place depuis l’enregistrement du nom de domaine litigieux, soit 1997, ou au plus tard le début des années 2000.

A cette époque, le Requérant ne démontre pas que le Défendeur avait connaissance de son existence et/ou de ses droits. Or, le Défendeur soutient qu’il ne connaissait pas le Requérant avant d’être contacté en 2010. A cette époque, il exploitait le nom de domaine litigieux depuis plus 13 ans.

Il découle donc tant de l'absence d'éléments probants rapportés par le Requérant, que des éléments rapportés par le Défendeur, que la Commission administrative n'est pas en mesure de conclure à l’absence de droit ou d'intérêt légitime du Défendeur se rattachant au nom de domaine litigieux et qu'en conséquence le critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs n'est pas rempli.

D. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le fait que le Requérant n’ait pas satisfait la condition posée au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs dispense en principe la Commission administrative de prendre position sur la mauvaise foi.

Néanmoins, dans le cas présent, la Commission administrative considère qu’il y a lieu d’étudier cette question au regard des arguments avancés par les parties.

Le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs dispose que la mauvaise foi doit être démontrée au jour de l’enregistrement et à l’occasion de l’usage qui est fait du nom de domaine par le défendeur.

En l’espèce, la Commission administrative observe que le nom de domaine litigieux a été enregistré en 1997 et que le Requérant n’a pris contact avec le Défendeur qu’en 2010, et seulement pour lui proposer de lui racheter son nom de domaine. Ce n’est qu’ultérieurement fin 2012 que le conseil du Requérant a mis en demeure le Défendeur de lui rétrocéder le nom de domaine litigieux en raison d’une atteinte supposée à ses droits antérieurs.

Dans ses écritures, le Requérant ne démontre pas en quoi le Défendeur aurait pu être de mauvaise foi lorsqu’il a enregistré le nom de domaine litigieux.

Plus précisément et au regard des conditions posées par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant ne justifie pas que le nom de domaine litigieux a été enregistré dans un but de revente, de blocage, de perturbation des activités d’un concurrent ou de création d’un risque de confusion.

Le Requérant ne démontre pas non plus que sa marque bénéficie d’une renommée qui aurait pu justifier que le Défendeur en ait eu connaissance au jour de l’enregistrement du nom de domaine litigieux <vernet.com> en 1997, ou qui lui permette de revendiquer une protection au-delà des produits visés dans les différents dépôts, alors même qu’il est indiscutable que les parties exercent dans des secteurs d’activité complètement distincts.

Il est démontré en revanche que le Défendeur n’a jamais mis en vente le nom de domaine litigieux et qu’il a de surcroît décliné toutes les offres de rachat qui lui ont été faites par le Requérant, écartant ainsi toute intention spéculative.

Enfin, sur l’usage, le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux pour activer une page du site Internet de sa société consacrée au peintre Joseph Vernet, sur laquelle on trouve une fiche biographique, des reproductions d’œuvres et une cotation de ces œuvres sur le marché de l’art. La Commission administrative considère que cet usage ne saurait être assimilé à un acte de mauvaise foi dès lors qu’il n’est pas contestable que la dénomination VERNET est tout autant un patronyme que la dénomination sous laquelle le Requérant exerce ses activités.

En conséquence, en application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs et au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Requérant n’a pas démontré que le nom de domaine litigieux a été enregistré et qu’il est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

7. Recapture illicite de nom de domaine

Le Défendeur estime que le requérant a agi de mauvaise foi et sollicite la reconnaissance d’une circonstance de recapture illicite de nom de domaine.

Les Règles d’application stipulent au paragraphe 15(e): “(…) Si après avoir considéré les dépositions la Commission estime que la plainte a été déposée en mauvaise foi, par exemple pour l'utilisation frauduleuse de nom de domaine ou pour harceler le titulaire du nom de domaine, la Commission devra déclarer dans sa décision que la plainte a été déposée en mauvaise foi et qu'elle constitue un abus de procédure administrative.”

Le simple fait de ne pas satisfaire aux conditions posées par les Principes directeurs n’est évidemment pas une circonstance suffisante pour considérer que le Requérant a agi de mauvaise foi.

Le fait d’engager la procédure de longues années après l’enregistrement du nom de domaine litigieux n’est pas non plus une circonstance déterminante du “reverse domain name hijacking”.

En revanche, c’est le cas lorsque le Requérant n’a pas de droit de marque ou qu’il a parfaitement conscience des droits ou intérêt légitime du Défendeur, ou de sa bonne foi.

C’est le cas également lorsque le Requérant sait ou aurait dû savoir qu’il ne pourrait pas satisfaire à l’une des conditions posées par les Principes directeurs.

En l’espèce, la Commission administrative observe que le Requérant a dans un premier temps tenté de racheter le nom de domaine litigieux au Défendeur, afin de changer de stratégie pour réclamer sa rétrocession sur le fondement de ses droits.

Le fait que le Requérant ait utilisé successivement deux stratégies distinctes ne suffit pas à établir qu’il savait au moment d’engager la procédure qu’il ne pourrait pas satisfaire aux conditions posées par les Principes directeurs.

Par conséquent, les faits de l’espèce conduisent la Commission administrative à considérer que le Requérant n’a pas agi de mauvaise foi et qu’il n’y a pas eu de tentative de recapture illicite de nom de domaine.

8. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative rejette la plainte.

Alexandre Nappey
Expert Unique
Le 27 janvier 2014