WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

DS Securité Privée contre Linkeo et DS Sécurité Gardiennage

Litige n° D2010-0937

1. Les parties

La Requérante est DS Sécurité Privée, Paris, France, représentée par SELARL Feltesse, Warusfel, Pasquier & Associes - FWPA, France.

Les Défendeurs sont Linkeo, Paris, France et DS Sécurité Gardiennage Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <dssecurite-gardiennage.com> enregistré le 12 février 2008.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Gandi SAS, Paris, France.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par DS Securite Privée auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 9 juin 2010.

En date du 9 juin 2010, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SAS, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 10 juin 2010, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d'application”), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée aux Défendeurs le 16 juin 2010. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 6 juillet 2010. Les Défendeurs n'ont fait parvenir aucune réponse. En date du 7 juillet 2010, le Centre notifiait le défaut des Défendeurs.

En date du 16 juillet 2010, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Christophe Caron. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

La société DS Sécurité Privée, immatriculée le 17 août 1992, a pour activité la surveillance, le gardiennage et le transport de fonds.

La Requérante justifie être le titulaire de la marque française semi-figurative n° 99812530 DS SECURITE, déposée le 15 septembre 1999 en classe 39, 41 et 42, notamment pour désigner des produits et services de “services de gardiennage et surveillance de locaux industriels ou commerciaux”. Cette marque a été renouvelée depuis. La Requérante a aussi procédé à l'enregistrement de deux noms de domaine <ds-securite.com>, le 24 juillet 2002 et <dssecuriteprivee.com>, le 17 août 2005.

La Requérante a découvert que le nom de domaine <dssecurite-gardiennage.com> a été enregistré le 12 février 2008 par la société Linkeo.com, mais qu'il est, en réalité, utilisé par la société DS Sécurité Gardiennage pour désigner son site Internet. Une lettre recommandée a été envoyée à l'un des Défendeurs, la société DS Sécurité Gardiennage, le 28 janvier 2010, mais sans aucun succès. Après cette tentative infructueuse de résolution amiable, la Requérante a décidé de saisir le Centre afin d'obtenir le transfert, à son profit, du nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. La Requérante

La Requérante considère que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable, au point de prêter confusion, à la marque n° 99812530 DS SECURITE sur laquelle elle justifie avoir des droits. En effet, elle souligne que le nom de domaine litigieux reprend à l'identique les termes “ds securite” de la marque antérieure. De plus, ces termes sont placés dans le même ordre. Elle ajoute aussi que le mot gardiennage est très proche conceptuellement du terme “sécurité” et qu'il n'apporte aucune instinctivité à l'ensemble car l'activité de gardiennage est incluse dans les prestations de sécurité. Enfin, elle souligne que la reprise à l'identique des termes “ds securite” dans le nom de domaine litigieux, pour une activité identique à celle de la Requérante, entraine un risque de confusion dans l'esprit du public.

La Requérante indique également que les Défendeurs n'ont aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache. En effet, elle souligne que les Défendeurs n'ont aucun droit ni intérêt légitime à réserver le nom de domaine litigieux car ils ne détiennent aucun droit de propriété intellectuelle ni de dénomination sociale pouvant justifier l'intérêt de la réservation dudit nom de domaine litigieux. De plus, il reprend à l'identique l'expression “ds securite” qui est un élément essentiel de la marque, dénomination sociale et noms de domaines de la Requérante, antérieurs à l'enregistrement du nom de domaine litigieux. Enfin, la société DS Sécurité Gardiennage a été immatriculée postérieurement aux droits de la Requérante et donc n'a aucun droit sur l'expression “ds securite”.

La Requérante souligne enfin que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi. En effet, les Défendeurs ne pouvaient ignorer l'existence des droits antérieurs de la Requérante lorsqu'ils ont procédé à l'enregistrement du nom de domaine litigieux, notamment grâce aux bases de données accessibles au public sur le site Internet de l'INPI. De plus, la Requérante insiste aussi sur le fait que le nom de domaine litigieux est utilisé de mauvaise foi comme le prouve le comportement des Défendeurs. Ainsi, la société DS Sécurité Gardiennage n'a pas répondu à la lettre de mise en demeure de la Requérante, mais a procédé, juste après sa réception, à un changement du titulaire du nom de domaine le 1er février 2010. De plus, la réservation du nom de domaine a eu pour objectif de tenter sciemment d'attirer à des fins lucratives les utilisateurs de l'Internet sur le site web de la société DS Sécurité Gardiennage en créant une confusion avec la marque de la Requérante.

La Requérante sollicite donc, au vu de ce qui précède, le transfert du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Les Défendeurs

Les Défendeurs n'ont apporté aucune réponse au Centre.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera à l'application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine. Il s'agit donc de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs soient cumulativement réunies.

En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n'est applicable qu'en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d'enregistrement abusif d'un nom de domaine sur la base des critères suivants :

i) Le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;

ii) Le détenteur du nom de domaine n'a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;

iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, dont le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne quelques exemples non limitatifs.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Requérante prouve qu'elle est propriétaire de la marque n° 99812530 DS SECURITE. De plus, elle prouve, de la même façon, qu'elle est titulaire de deux noms de domaines similaires.

Il existe une similarité entre le nom de domaine litigieux <dssecurite-gardiennage.com> qui comporte l'expression “ds securite” et les titres de la Requérante. En effet, l'inclusion de l'expression “ds securite” dans un nom de domaine ne peut que susciter un risque de confusion chez un internaute d'attention moyenne qui aura le sentiment d'accéder à un site officiel de la Requérante. L'ajout du terme “gardiennage” ne dissipe pas le risque de confusion car l'internaute pourra aisément croire qu'il accède à un site Internet de la Requérante, d'autant plus que le mot “gardiennage” est proche conceptuellement du terme “sécurité”. Il est dès lors porté atteinte à l'une des fonctions essentielles de la marque qui consiste à identifier l'origine des produits ou services.

Le nom de domaine litigieux <dssecurite-gardiennage.com> ne peut donc que susciter un risque de confusion avec la marque n° 99812530 DS SECURITE et les noms de domaines qui appartiennent à la Requérante.

Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

Les Défendeurs n'ont aucun droit sur le nom du domaine et sur l'expression “ds securite” puisque cette dernière ne correspond pas à l'un de leurs titres de propriété intellectuelle. En outre, ils n'ont jamais été autorisés à utiliser l'expression “ds securite”.

Pour ces raisons, ainsi que pour les raisons énoncées dans la section suivante, la Commission administrative considère que la seconde condition du paragraphe de l'article 4(a) des Principes directeurs, telle qu'éclairée par le paragraphe 4(c) est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les Défendeurs ont enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi car en l'espèce il semble qu'il leur était impossible d'ignorer que l'expression “ds securite” était protégée, en tant que marque, pour désigner des produits et services identiques aux leurs. De surcroît, l'expression “ds” n'a aucune signification particulière, y compris associée à la sécurité. Il en résulte donc que les Défendeurs ont souhaité s'approprier cette expression utilisée par l'un de leurs concurrents. Il est donc vraisemblable de croire qu'ils ont sciemment procédé à un enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine.

En utilisant le nom de domaine litigieux, l'un des Défendeurs, la société DS Sécurité Gardiennage, a sciemment tenté d'attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site web en créant une confusion entre le service qu'il propose et ceux de la Requérante. Cette dernière est donc victime d'un détournement de clientèle à son préjudice, alors même qu'elle exerce son activité depuis 1992 et a bien pris de protéger son signe distinctif en déposant une marque en 1999.

Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.

7. Décision

Vu les paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission administrative constate que :

Le nom de domaine <dssecurite-gardiennage.com> est semblable au point de prêter à confusion, avec la marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits;

Les Défendeur n'ont aucun droit sur les noms de domaine <dssecurite-gardiennage.com >, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache;

Les Défendeur ont enregistré et utilisé le nom de domaine <dssecurite-gardiennage.com > de mauvaise foi.

La Commission administrative constate que les trois conditions requises par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunies et décide en conséquence, le transfert du nom de domaine <dssecurite-gardiennage.com> au profit de la Requérante.


Christophe Caron
Expert Unique

Le 23 juillet 2010