WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

General Biscuits Belgie (N.V) contre M. Pascal Laffitte

Litige n° DFR2008-0020

1. Les parties

Le Requérant est la société General Biscuits Belgie, Herentals, Belgique, représentée par le cabinet Dreyfus, Paris, France.

Le Défendeur est Monsieur Pascal Laffitte, Corbeil Essonnes, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <pims.fr> enregistré le 16 août 2006.

Le prestataire Internet est la société AMEN France / Agence des Médias Numériques.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 25 avril 2008, par courrier électronique et le 30 avril 2008, par courrier postal.

Le 25 avril 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 28 avril 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige concernant le nom de domaine <pims.fr>.

Suite à la levée d’anonymat du titulaire du nom de domaine par l’AFNIC, le 5 mai 2008, le Centre a adressé au Requérant une demande d’amendement concernant la demande portant sur le nom de domaine <pims.fr>.

Le 9 mai 2008 par voie électronique et le 16 mai 2008 par courrier postal, le Centre a reçu la demande amendée.

Le Centre a vérifié que la demande amendée répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 19 mai 2008. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 9 juin 2008.

Le 20 juin 2008, le Centre nommait Isabelle Leroux comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant, la société General Biscuits Belgie (N.V) est une filiale de la société Kraft Foods Holdings Inc, groupe alimentaire de dimension mondiale commercialisant notamment en France et à l’étranger le biscuit PIM’s.

Le biscuit PIM’s a été créé en 1970, année au cours de laquelle a été commercialisée la première gamme PIM’s, le PIM’s Orange. Par la suite, le biscuit PIM’s n’a cessé d’être décliné dans de nouvelles variétés aux parfums différents.

La société General Biscuits Belgie (N.V) est titulaire de plusieurs noms de domaines pour la marque PIM’S et notamment :

- <pims.biz> réservé le 27 mars 2002;

- <pims.eu> réservé le 26 août 2006.

Elle est également titulaire de nombreuses marques PIM’S protégées dans le monde notamment les marques enregistrées suivantes :

- Marque française PIMS CAKE n° 1491395 enregistrée le 30 septembre 1988 (renouvelée) en classe 30;

- Marque communautaire figurative PIM’S n° 000886424 déposée le 24 juillet 1998 en classes 5, 16, 25, 28, 29 et 30;

- Marque communautaire figurative PIM’S FONDANT Orange n° 002423572 déposée le 24 octobre 2001 en classe 30;

- Marque communautaire figurative PIM’S DELICE n° 002438547 déposée le 5 novembre 2001 en classe 30;

- Marque internationale semi-figurative PIMS CRACKERS n° 235778 du 21 septembre 1960 en classe 30 et désignant notamment la France;

- Marque internationale semi-figurative PIMS CAKE n° 342053 du 17 janvier 1968 en classe 30 et désignant notamment la France.

Le Défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine <pims.fr> le 16 août 2006, de façon anonyme. Les pièces versées au dossier par le Requérant montrent que ce nom de domaine dirige vers un site inactif depuis le 16 août 2006.

Afin de tenter d’obtenir le transfert amiable du nom de domaine <pims.fr>, le Requérant a adressé une lettre de mise en demeure au bureau d’enregistrement en recommandé avec accusé de réception en date du 3 juillet 2007, demandant par la même occasion la levée de l’anonymat du Défendeur.

Par un email du 27 juillet 2007, le bureau d’enregistrement a répondu à la mise en demeure du Requérant, indiquant que son service client avait contacté le Défendeur le 4 juillet 2007, puis l’avait mis en demeure de faire les démarches de résiliation du nom de domaine litigieux par lettre recommandée du 27 juillet 2007.

En l’absence de réponse du Défendeur, le Requérant a engagé la présente procédure aux fins de se voir transférer le nom de domaine <pims.fr>.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient qu’il est détenteur de droits antérieurs sur le signe “pims”, à titre de marque française, communautaire et internationale et de nom de domaine.

Le Requérant fait également valoir que le signe “pims” est une marque notoire.

Le Requérant soutient que le nom de domaine <pims.fr> enregistré par le Défendeur est identique ou à tout le moins similaire avec la marque PIM’S au point de créer un risque de confusion.

Le Requérant soutient tout d’abord que le nom de domaine <pims.fr> reproduit intégralement la marque PIM’S, ces derniers devant par conséquent être considérés comme identiques, au motif que :

- la simple suppression de l’apostrophe entre les lettres “m” et “s” n’est dictée que par l’impossibilité technique d’enregistrer un nom de domaine contenant une apostrophe et ne modifie pas la prononciation du nom de domaine litigieux, qui est ainsi identique à la prononciation de la marque PIM’S. Par conséquent, cette suppression ne permet pas d’écarter tout risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et la marque PIM’S.

- l’adjonction du suffixe “.fr” est inopérante à faire disparaître l’imitation ou la reproduction de la marque au sens du droit français.

Le Requérant fait également valoir que le fait que le nom de domaine litigieux renvoie vers un site inactif n’est pas de nature à écarter le risque de confusion entre ce nom de domaine et la marque PIM’S qu’il reproduit, l’article L.713-5 du Code de la Propriété Intellectuelle relatif aux marques notoires disposant que : “l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits et services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter un préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière”.

Il en résulte selon le Requérant que l’enregistrement du nom de domaine litigieux porte atteinte à la marque PIM’S, en ce qu’elle affaiblit le pouvoir distinctif et attractif de la marque PIM’S et entraîne sa vulgarisation, portant ainsi atteinte à sa valeur économique.

En outre, le Défendeur ne serait en aucune manière affilié au Requérant (n’étant ni licencié ni tiers autorisé) et n’aurait jamais été autorisé par ce dernier à utiliser et à enregistrer sa marque ni à procéder à l’enregistrement de noms de domaine incluant la marque.

Qui plus est, le Défendeur n’aurait justifié d’aucun droit antérieur, ni intérêt légitime sur ce nom de domaine. Le Défendeur n’aurait jamais utilisé le signe “pim’s” d’aucune manière que ce soit avant ou après l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Selon le Requérant, le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence des marques antérieures du Requérant et ne peut prétendre de bonne foi avoir eu l’intention de développer une activité réelle.

Le Requérant soutient que ces faits démontrent la mauvaise foi du Défendeur et sont constitutifs d’agissements parasitaires et de concurrence déloyale au sens de l’article 1382 du Code civil dans la mesure où ce dernier a détourné les marques et noms de domaine du Requérant.

Au vu de tous ces éléments, il apparaît selon le Requérant que le nom de domaine <pims.fr> a été enregistré en violation des différents droits de marque appartenant au Requérant, en application des dispositions des articles L.713-3 et L.713-5 du CPI.

Enfin, le Requérant fait valoir qu’il est titulaire de plusieurs noms de domaine contenant le signe “pim’s”, dont notamment le nom de domaine <pims.biz> réservé le 27 mars 2002, soit antérieurement au nom de domaine litigieux.

Selon le Requérant, la réservation du nom de domaine litigieux doit dès lors être considérée comme une usurpation de nom de domaine et comme un abus du droit de libre réservation des noms de domaine de l’Internet, traduisant une faute intentionnelle du Défendeur au préjudice du Requérant, sanctionnable sur le terrain de l’article 1382 du Code civil. Le Défendeur porte préjudice au Requérant en l’empêchant de déposer sa marque comme nom de domaine sur l’Internet, freinant ainsi son développement en France s’agissant d’un nom domaine en “.fr”.

En conséquence, le Requérant sollicite le transfert du nom de domaine <pims.fr> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement ou une utilisation d’un nom de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence la transmission de ce nom de domaine à son profit.

Conformément au paragraphe 20(c) du règlement, l’Expert “fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 1 du présent règlement, l’“atteinte aux droits des tiers” s’entend, au titre de la Charte, comme “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom, ou au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine <pims.fr> portait atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission de ce nom de domaine à son profit, si celui-ci justifie de droits sur ce nom de domaine.

(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux

La reproduction et/ou l’imitation de marques ou autres droits privatifs appartenant à des tiers ou exploités par des tiers sans autorisation constitue une atteinte qui doit être sanctionnée.

En l’espèce, l’Expert constate que le Requérant justifie être titulaire de droits privatifs sur plusieurs marques verbales et semi-figuratives incluant le terme “pim’s”.

L’Expert constate également que le Requérant est titulaire du nom de domaine <pims.biz> enregistré antérieurement au nom de domaine litigieux.

Plus généralement, le Requérant commercialise, notamment en France, le biscuit sous la marque PIM’S depuis 1970.

L’Expert constate que le nom de domaine litigieux reproduit le terme “pim’s” présent dans toutes les marques précitées dont est titulaire le Requérant. D’autre part, le nom de domaine litigieux reproduit également le nom de domaine <pims.biz> dont est titulaire le Requérant.

Du fait de cette forte similitude entre les droits antérieurs du Requérant et le nom de domaine litigieux, il existe un réel risque de confusion entre les signes pour les internautes, ces derniers étant amenés à penser que le nom de domaine litigieux, <pims.fr>, correspond au site officiel français de la société commercialisant le biscuit du même nom.

A cet égard, il est admis que la présence de l’extension “.fr” au sein du nom de domaine litigieux – inhérente au fonctionnement des noms de domaine – ne permet pas d’écarter tout risque de confusion (SARL Abcyne contre Jeremie Guyot, Litige OMPI n° DFR2007-0001; Compagnie Générale des Etablissements Michelin – Michelin et Cie contre EUROSTATIC Ltd, Litige OMPI n° DFR2005-0013).

De même, la suppression de l’apostrophe entre le “m” et le “s” figurant au sein des marques antérieures n’est pas susceptible de faire disparaître le risque de confusion, en ce qu’elle ne modifie en rien la prononciation du terme litigieux et n’est due qu’à des considérations purement techniques rendant impossible l’enregistrement d’un nom de domaine contenant une apostrophe.

De plus, il ressort des documents communiqués par le Requérant que le Défendeur ne pouvait ignorer, avant même de procéder à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, l’existence de droits privatifs antérieurs portant sur la marque PIM’S. En effet, le Défendeur, qui est français, ne pouvait ignorer l’existence des marques antérieures du Requérant, compte tenu de la commercialisation du biscuit “pim’s” en France depuis près de 40 ans et des nombreuses campagnes publicitaires portant sur ce produit ayant été lancées en France par le Requérant.

En outre, l’Expert constate que le Défendeur n’a jamais été autorisé par le Requérant à procéder à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et ne justifie d’aucun intérêt légitime sur la dénomination PIM’S, qu’il n’a notamment jamais utilisée avant ou après l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Par conséquent, l’Expert considère que l’enregistrement du nom de domaine <pims.fr> a été fait au mépris des droits du Requérant et constitue une atteinte à ses droits.

(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

L’Expert constate que le nom de domaine litigieux renvoie vers un site Internet inactif, et ce depuis son enregistrement.

Le fait que le nom de domaine litigieux dirige vers un site Internet inactif, est considéré comme étant un acte de rétention injustifié du nom de domaine litigieux (par exemple, Amitel SA et Ltv Gelbe Seiten AG contre Ediciel SARL, Litige OMPI n° DFR2006-0018).

En l’espèce, le fait que le nom de domaine renvoie vers un site Internet inactif confirme l’absence d’intention du Défendeur de faire une utilisation légitime du nom de domaine contesté.

Par conséquent, l’Expert considère que le Défendeur a enregistré et utilise en violation des droits du Requérant le nom de domaine <pims.fr>, et que le Requérant est fondé à en demander le transfert à son profit.

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <pims.fr>.


Isabelle Leroux
Expert

Le 4 juillet 2008