WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

L’Oréal v. Amir Mirfakhraee

Litige n° DFR2008-0003

 

1. Les parties

Le Requérant est la société L’Oréal, Paris, France, représenté par Cabinet Dreyfus & Associés, France.

Le Défendeur est Amir Mirfakhraee, Paris, France, represented by Safenames Ltd., United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <dop.fr>, réservé par le Défendeur le 28 juin 2007.

Le prestataire Internet est la société Safenames Ltd.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 17 janvier 2008, par courrier électronique et le 25 janvier 2008, par courrier postal.

Le 18 janvier 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 21 janvier 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le 29 janvier 2008, le Centre a contacté le Requérant en informant celui-ci que l’Afnic avait levé l’anonymat du titulaire du nom de domaine.

Le 1er février 2008 une plainte amendée a été reçue par le Centre de la part du Requérant par courrier électronique et le 5 février 2008 par courrier postal.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 6 février 2008. Le Défendeur a adressé une réponse le 22 février 2008, par courrier électronique et le 26 février 2008, par courrier postal, et le Centre l’a notifiée au Requérant le 27 février 2008.

Le 26 février 2008, le Requérant a adressé des observations additionnelles qui ont été notifiées eu Défendeur qui en a accusé réception le 27 février 2008.

Le 13 mars 2008, le Centre nommait Jérôme Huet comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le nom de domaine litigieux est <dop.fr> que revendique le Requérant, la société L’Oréal. Celle-ci exerce son activité notamment dans le domaine des produits cosmétiques et est titulaire, depuis longtemps, de nombreuses marques comportant le terme “dop”, qui sont protégées dans plusieurs pays du monde.

Le Requérant a constaté que le nom de domaine <dop.fr> avait été réservé le 28 juin 2007 par le Défendeur; qu’une première recherche dans les bases de données Whois a révélé que le Défendeur n’a indiqué ni son nom ni ses coordonnées et est en conséquence anonyme; que, dans un premier temps, ce nom dirigeait vers une page proposant des liens sponsorisés et notamment des liens pornographiques; que ce nom était parqué chez Sedo et qu’il dirige désormais vers une page de liens commerciaux dans divers domaines.

Afin d’obtenir le transfert du nom de domaine <dop.fr>, le Requérant a adressé le 21 août 2007 une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception à l’unité d’enregistrement de ce nom, Safenames, afin de lui notifier l’atteinte à ses droits causée par l’enregistrement du nom de domaine litigieux et de lui demander le transfert amiable de ce nom ainsi que lui soit communiquée l’identité du réservataire.

Le Requérant a tenté de joindre directement le réservataire du nom par l’intermédiaire du formulaire Afnic. L’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux a accusé réception de la mise en demeure adressée par le Requérant et lui a alors demandé une copie de la marque DOP. Le Requérant a accédé à cette demande le même jour. Dans un email du 24 août 2007, l’unité d’enregistrement Safenames a indiqué au Requérant que le réservataire du nom de domaine <dop.fr> consentait à transférer le nom de domaine moyennant “une compensation juste pour les frais qu’il a engagé sur ledit nom de domaine”.

Le Requérant lui a alors proposé, par l’intermédiaire de son unité d’enregistrement, de rembourser les frais de réservation du nom de domaine litigieux à hauteur de 50 €. Cette offre a été refusée, le réservataire du nom réclamant la somme de £ 10.000 livres sterling, soit environ 14.000 €.

Dans la mesure où aucun accord amiable n’a pu être trouvé entre les parties et où l’identité du Défendeur n’a jamais été communiquée au Requérant, ce dernier n’a d’autre choix, que d’engager une procédure alternative de règlement des litiges.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant fait valoir que la marque DOP est une marque ancienne et notoire spécialement auprès du public français;

Que le shampooing DOP a été créé en 1934 et a accompagné depuis cette date la vie quotidienne des français;

Qu’afin de populariser ces produits, les représentants de la marque DOP ont mis en place d’importantes campagnes publicitaires en employant tous les moyens médiatiques de leur époque;

Qu’ainsi, en 1952 ont été créées les “Journées des enfants propres” au cours desquelles les représentants de la marque DOP proposaient d’offrir aux enfants des écoles primaires des shampooings et savonnettes;

Qu’avec l’avènement de la publicité moderne, la marque DOP est présente dans tous les médias de l’époque : radio, cinéma, presse, affichage;

Que le responsable de la promotion des produits DOP, Louis Merlin, crée en 1948 Radio-Circus, son projet étant d’associer un cirque à un orchestre afin d’assurer la promotion des produits DOP. Radio-Circus va sillonner toute la France entre 1948 et 1957 répandant ainsi sur tout le territoire les slogans de la marque DOP;

Que la marque DOP est à cette époque à l’origine de nombreuses émissions de radio (estimées à 6000), dont de nombreux jeux tels : “Emportez-le avec vous”, la “Course au trésor”, le “Rallye de la propreté” ou encore “Concours de mousse”;

Que les chansons publicitaires de DOP ont par la suite été interprétées par des chanteurs d’Opéra, puis par des grands noms de la variété française dont Yves Montant, Tino Rossi, Bourvil et Gilbert Bécaud;

Qu’a la recherche de nouveaux concepts, Louis Merlin lancera le 1er janvier 1955 la radio Europe 1, DOP devenant le sponsor de nombreuses émissions dont “Vous êtes formidables” et “100.000 Français ne peuvent pas se tromper”;

Qu’avec Europe 1, DOP va se mettre au service de grandes causes humanitaires et obtenir ainsi les fonds nécessaires pour la construction d’un centre hospitalier spécialisé dans les opérations à cœur ouvert des enfants;

Qu’après la radio, DOP va envahir les publicités des grands écrans puis celles des petits écrans;

Que DOP est également à l’origine d’une innovation majeure, étant le “premier shampooing sans savon” et se revendique comme une marque citoyenne en contribuant après la seconde guerre mondiale à l’amélioration de l’hygiène des français;

Que depuis lors, DOP n’a cessé d’innover pour entrer ainsi en 1992 dans 26% des familles françaises. Enfin qu’en 2007, le chiffre d’affaire de la marque DOP est estimé à 100.672.000 € (Annexe 4).

Le Requérant souligne que la société L’Oréal est titulaire, de longue date, de nombreuses marques DOP protégées dans le monde, notamment les marques enregistrées suivantes :

- Marque internationale DOP n° 146076 du 28 mars 1950 (renouvelée) en classes 3, 5, 21;

- Marque internationale BIO DOP n° 153658 du 17 mai 1951 (renouvelée) en classes 3, 5,21;

- Marque internationale DOP n° 169073 du 4 mai 1953 (renouvelée) en classes 3, 5, 29, 30, 32;

- Marque internationale PELLI-DOP n° 177377 du 28 mai 1954 (renouvelée) en classe 3;

- Marque internationale “DOP DOUX n° 179489 du 14 septembre 1954 (renouvelée) en classe 3;

- Marque internationale DOP DAME n° 181916 du 7 janvier 1955 (renouvelée) en classe 3;

- Marque internationale OVO DOP n° 187376 du 8 septembre 1955 (renouvelée) en classes 3 et 5;

- Marque internationale DOP TONIC n° 328405 du 28 novembre 1966 (renouvelée) en classes 1, 2, 3, 5, 21 et 42;

- Marque internationale BABY DOP n° 416759 du 25 juillet 1975 (renouvelée) en classes 3 et 21.

- Marque française DOP COLOR n° 1331777 du 21 novembre 1985 (renouvelée) en classes 3, 5, 21;

- Marque française DOP n° 1342756 du 14 février 1986 (renouvelée) en classes 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42;

- Marque française DOP HUILE (& flacon) n° 1373276 du 3 octobre 1986 (renouvelée) an classes 3 et 5;

- Marque française DOP n° 1521930 en date du 31 mars 1989 (renouvelée) en classes 3, 5, 21;

- Marque française DOP COMPACT n° 1662788 du 17 mai 1991 (renouvelée) en classe 3;

- Marque française DOP MICRO n° 1667211 en date du 24 mai 1991 (renouvelée) en classe 3;

- Marque française DOP et HOP n° 92402235 du 22 janvier 1992 (renouvelée) en classe 3;

- Marque française DOP n° 96633947 du 11 juillet 1996 (renouvelée) en classe 3;

- Marque française DOP DOUCHE-CREME DOUCEUR n° 96654078 du 5 décembre 1996 (renouvelée) en classe 3;

- Marque française DOP n° 97657929 du 3 janvier 1997 en classe 3;

- Marque française DOP n° 97657932 du 3 janvier 1997 en classe3;

- Marque française DOP n° 97657931 du 3 janvier 1997 en classe 3;

En outre, le Requérant précise que L’Oréal est titulaire de noms de domaine reprenant la marque DOP et notamment :

- <dop.tm.fr>, réservé le 10/12/1996;

- <ptitdop.com>, réservé le 13 octobre 2005.

En conséquence, il estime que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <dop.fr> par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers, et plus spécifiquement à ses droits, et demande que ce nom de domaine lui soit transmis.

B. Défendeur

Le Défendeur a fait valoir ses droits dans une réponse où il déclare qu’il a enregistré le nom de domaine <dop.fr> avec l’intention de devenir un revendeur de noms de domaine;

Que nom de domaine, objet du litige, <dop.fr>, est un acronyme pour ses nouvelles activités et signifie “Domaine Ouvert au Public”, qui serait une nouvelle compagnie fournissant un service d’enregistrement de nom de domaine pour des membres du public;

Que le terme “dop” est un terme très commun et banal, combinaison de trois lettres; qu’il est très générique et n’a aucune signification linguistique et littéraire; qu’il est établi que n’importe qui peut enregistrer un nom de domaine combinaison de trois lettres; qu’ils correspondent pour le Défendeur à une abréviation de trois mots du dictionnaire (Domaine Ouvert au Public), une expression tout à fait commune et banale dont personne ne devrait revendiquer l’exclusivité de l’enregistrement; qu’il y a un grand nombre de société en France qui emploient le terme “dop” ou sa conjonction à d’autres mots, comme leur enseigne; qu’il existe des compagnies telle que Dop D’Italia, Communication De Dop, Dop 4, Le Dop et Dop Investissent; qu’il y a d’autres noms de domaine en France qui utilisent le thème “dop” tel que <didop.fr>, <aidop.fr>, <odop.fr>, <dopyourself.fr>, <dopi.fr> et <dopf.fr>;

Et qu’en Amérique il y a plus de trente compagnies qui utilisent le terme “dop” ou sa combinaison avec d’autres mots comme leurs dénominations; que des organisations mondialement connues utilisent la marque DOP dans le cadre de leurs activités commerciales, ainsi Digital Out Post (Amérique), Design on Paper (Suède), Davis Ogilvie Professional services (Nouvelle Zélande); que bien d’autres commercent légitimement sur des sites internet “dop”; que cela prouve que le Requérant ne jouit pas de l’exclusivité sur la marque DOP et ne peut le prétendre.

Dans ces conditions, il s’oppose à la transmission du nom de domaine <dop.fr> à la société L’Oréal.

 

6. Discussion

Il incombe à l’Expert de décider, conformément à l’article 20 (c) du Règlement, si “l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits de tiers telle que définie à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte” et, lorsque la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, si “le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de l’atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’article 1 du Règlement définit l’ “atteinte aux droits de tiers” comme “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal et matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

Il s’agit donc d’apprécier si, au vu des éléments du dossier, le Défendeur a effectué l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine <dop.fr> de manière à constituer une atteinte aux droits du Requérant et si ledit Requérant justifie de droits sur le nom de domaine permettant d’en décider la transmission à son profit.

A. Enregistrement du nom de domaine litigieux en violation des droits des tiers

Pour la solution du litige, il convient de tenir compte du fait que le Requérant dispose d’un grand nombre de droits sur la dénomination “dop”, qui sont antérieurs à celui du Défendeur, en raison des marques que le Requérant a déposées et maintenues, depuis les années 1950, et du fait que ces différentes marques jouissent d’une très grande notoriété.

Or, du fait de la notoriété de la marque DOP dans le monde, et en particulier en France, a vocation à s’appliquer en la cause le principe établi dans l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel “l’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits et services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter un préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière”.

En l’occurrence, le nom de domaine <dop.fr> reproduit intégralement la marque DOP, sous réserve de l’adjonction du “.fr”, et il est établi que l’adjonction du suffixe “.fr ”, non appropriable en tant que tel, est impuissante à faire disparaître l’imitation ou la reproduction de la marque (V. en ce sens Passion For Life Healthcare Limited c/ Euromark France, OMPI Litige No. DFR2005-0002).

On est donc invité à penser que l’enregistrement du nom de domaine litigieux porte atteinte à la marque DOP d’autant que, comme le précise le Requérant, cet enregistrement a pour conséquence d’affaiblir le pouvoir distinctif et attractif de la marque DOP et d’entraîner sa vulgarisation, portant ainsi atteinte à sa valeur économique.

Cela se trouve également corroboré par le fait que le Requérant est aussi titulaire de noms de domaine, réservés antérieurement à celui du Défendeur : <dop.tm.fr>, réservé le 10 décembre 1996, et <ptitdop.com>, réservé le 13 octobre 2005. A cela s’ajoute que le Défendeur ne justifie d’aucun droit particulier, ni d’intérêt légitime sur la dénomination “dop”, qu’il n’a, notamment, jamais utilisé ce terme que ce soit avant ou après l’enregistrement du nom de domaine litigieux, qu’il ne peut prétendre avoir ignoré la renommée des marques exploitées par le Requérant.

Certes, on peut faire valoir, en sens inverse, que le Requérant n’a pas pris la précaution de réserver à temps le nom de domaine <dop.fr> et que, comme le souligne le Défendeur, le Requérant ne possède pas de nom de domaine avec une extension internationale pour le terme “dop”; que les noms de domaines tels que <dop.com>, <dop.net>, <dop.org> n’ont pas été réservés par lui; que le Requérant ne possède aucun enregistrement de nom de domaine pour les extension de pays avec la marque DOP; qu’il y a un certain nombre de noms de domaine nationaux avec le terme “dop” (<dop.co.uk>, <dop.de>, <dop.es>, <dop.com.ru>) qui sont sur des pages de stationnement parking; que d’autres tels <dop.in> et <dop.jp> sont mis en location par leurs registrants; et que le Requérant n’a jamais tenté de les réserver ou de les récupérer pour protéger sa marque si bien que les registrants sont fondés à posséder des noms de domaine et en faire une utilisation légitime.

On peut observer aussi, comme le souligne le Défendeur, que ce dernier n’a pas enregistré, ni utilisé le nom de domaine <dop.fr> en violation des droits sur les marques déposées du Requérant; que l’enregistrement du nom de domaine <dop.fr> n’a pas été fait dans intention d’attirer, pour un gain commercial, les clients du Requérant, car les activités et services du Défendeur ne visent pas le même public que celui du Requérant; qu’il ne pouvait par conséquent tendre à une confusion avec la marque du Requérant, ni avec ses produits, ni laisser supposer une affiliation. Force est de constater également que le nom de domaine <dop.fr> est une combinaison de trois lettres D.O.P., comme il est d’usage d’en réserver ; et que le terme “dop” est une banale combinaison de ces trois lettres, dépourvue de signification linguistique particulière.

Toutefois, on doit relever, en plus de l’atteinte à la marque DOP déjà constatée, que l’enregistrement du nom de domaine en “.fr” par le Défendeur a été effectué, précisément, dans le pays où la dénomination DOP jouit de la plus grande notoriété et que, de ce fait, il diffère des enregistrements dans d’autres pays, et par conséquent, qu’il porte un préjudice tout particulier au titulaire des marques déposées par le Requérant.

On doit observer aussi que, si le Requérant n’agissait pas afin de récupérer le nom de domaine <dop.fr.>, il risquerait d’affecter la valeur de ses marques et, tout particulièrement, de les exposer à la dégénérescence prévue par l’art. L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle, en raison de son inaction; que certes, cette cause de déchéance de la marque ne s’opère que si celle-ci est devenue une “désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service” auquel son titulaire l’emploie; mais comme la réservation d’un nom de domaine n’est pas faite pour un usage du signe distinctif dans un secteur déterminé, et donc n’est pas soumise à un principe de spécialité, on peut toujours redouter que le nom de domaine ne soit éventuellement exploité dans le secteur où la marque est utilisée ; et, dans ces conditions, il est prudent de la part du titulaire d’une marque de s’opposer au dépôt d’un nom de domaine dans le pays où celle-ci jouit de la plus grande notoriété.

Dans ces conditions, il apparaît que l’enregistrement du nom de domaine <dop.fr> par le Défendeur a été effectué en violation des droits des tiers et, plus précisément, des droits légitimes du Requérant.

B. Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

Par ailleurs, s’agissant de l’utilisation du nom de domaine <dop.fr>, le Requérant déclare qu’il a comporté, à une époque, vers liens pornographiques, puis dirigé, plus récemment, vers une page de liens sponsorisés dans divers domaines, et qu’il a été parqué sur le site “Sedo” à des fins de vente.

A cela, le Défendeur objecte que, comme cela se pratique souvent, en attente de la réalisation de son projet de site web, il a temporairement mis le nom de domaine <dop.fr> sur une page de stationnement parking, par l’intermédiaire de la compagnie de stationnement “Sedo”, pour s’assurer que le domaine soit maintenu actif; que les liens présents sur la page web ont été fournis par Sedo et ne sont donc pas de sa responsabilité; que le lien pornographique évoqué ne représentait que six mots sur les soixante-treize mots contenus sur la page, sans aucune image, ni bannière ou contenu visuel, et que donc l’aspect sexuel montré à la page de “Sedo” n’a représenté qu’un caractère minimal; et que, dès qu’il a constaté la présence de lien pornographique sur la page parking, il en a demandé le retrait.

En tout état de cause, il apparaît que le Défendeur, réservataire du nom de domaine, sollicité par le Requérant, a réclamé à ce dernier la somme de £ 10.000 livres sterling pour procéder au transfert du nom de domaine <dop.fr>, somme que le Requérant a trouvée manifestement excessive, seuls les frais d’enregistrement d’un nom de domaine en “.fr” devant être versée à ses yeux pour un tel transfert.

Le Requérant en déduit que cela montre clairement l’attitude déloyale du Défendeur (V. en ce sens la décision Le 118.000 c/ Monsieur Michel Baujard, OMPI Litige No. DFR2005-0016), qui prétend aussi que le nom de domaine a été offert à la vente au public par le Défendeur sur le site “Sedo”, ce qu’il considère également comme critiquable (V. en ce sens la décision Crédit Industriel et Commercial et Euro Information / Safenames Limited, Litige OMPI No. DFR2004-0002).

Aux yeux du Requérant, ces éléments, et notamment l’offre en vente sur le site “Sedo”, attestent que le Défendeur n’avait pas l’intention d’utiliser de bonne foi le nom de domaine litigieux (V. en ce sens la décision Place des éditeurs c/ Larry Thane, Litige OMPI No. DFR2007-0022,).

Le Défendeur objecte, quant à lui, qu’à aucun moment, il n’a pris l’initiative de vendre le nom de domaine <dop.fr> au Requérant ; qu’il a été contacté par le Requérant pour le transfert du nom de domaine, qu’il lui a indiqué son estimation des dépenses qu’il avait dû engager pour son projet, et dont il estimait être fondé à dédommagé.

Il n’en n’apparaît pas moins que l’utilisation du nom de domaine <dop.fr> a été faite dans des conditions qui ont pu porter préjudice au Requérant, en raison des liens ont pu y être associés, et que le Défendeur a pu, à un moment, avoir l’intention de le céder au Requérant, ce qui vient confirmer qu’il n’avait pas réellement de justification à devoir s’en servir pour le développement de sa propre activité, activité dont il s’évince qu’il pouvait la mener sous d’autres dénominations que celle qu’il avait choisie, et qui portait atteinte aux marques du Requérant.

Dans ces conditions, les droits du Requérant à obtenir le transfert à son profit du nom de domaine <dop.fr> sont établis.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <dop.fr>.


Jérôme Huet
Expert

Date : Le 25 mars 2008