WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Costa Crociere S.P.A. contre Martyn Pilford

Litige n° DFR2007-0051

 

1. Les parties

Le Requérant est Costa Crociere S.P.A., Gênes, Italie, représenté par le Cabinet Beau de Loménie, Paris, France.

Le Défendeur est Martyn Pilford, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <costacroisiere.fr> enregistré le 22 mars 2007.

Le prestataire Internet est la société EuroDNS S.A., Leudelange, Luxembourg.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 19 octobre 2007, par courrier électronique et le 22 octobre 2007, par courrier postal.

Le 22 octobre 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 22 octobre 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 7 novembre 2007. Conformément à l’article 15 du Règlement, le délai de réponse était le 27 novembre 2007. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a adressé le 28 novembre 2007 aux parties une notification de défaut du Défendeur.

Le 4 décembre 2007, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant est Costa Crociere S.P.A., société de droit italien, qui a pour activité l’organisation de croisières et bénéficie d’une véritable notoriété dans cette activité.

Le Requérant justifie être titulaire de plusieurs marques et notamment de la marque française COSTA CROISIERE, déposée le 3 mars 2006 sous le n° 06 4 413 940 pour désigner des services en classe 39. En outre, une filiale du Requérant est également titulaire du nom de domaine <costacroisieres.fr>, enregistré le 27 juillet 1999.

Le Requérant a constaté que le nom de domaine <costacroisiere.fr> avait été enregistré le 22 mars 2007. Il a ensuite envoyé, par le biais de l’interface du site de l’AFNIC, une demande de rétrocession, sans condition, du nom de domaine litigieux qui est restée sans réponse de la part du Défendeur.

Le Requérant a alors décidé de déposer une demande auprès du Centre afin d’obtenir la transmission du nom de domaine <costacroisiere.fr> à son profit.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Après avoir prouvé ses droits de propriété industrielle sur l’expression “Costa croisieres”, le Requérant considère que le nom de domaine litigieux est très proche de ces deux mots puisqu’il n’en diffère que par la suppression du “s” final, l’accolement des termes “Costa” et “croisières” et l’ajout de l’extension “.fr”. Il existe donc, selon le Requérant, un risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et les marques et le nom commercial “Costa croisières”.

Le Requérant précise ensuite que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime à l’utiliser. Il souligne que la réservation de ce nom de domaine n’a pas été faite de bonne foi.

Le Requérant démontre ensuite que le nom de domaine litigieux dirige les internautes vers une page dite de “parking” qui propose des liens commerciaux pointant vers des sites concurrents, ce qui prouve que l’utilisation du nom de domaine constitue un comportement déloyal.

Le Requérant réclame, en conclusion, la transmission du nom de domaine litigieux à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6, Discussion

L’Expert rappelle que conformément à l’article 20(c) du Règlement, il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement du nom de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, si le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant est notamment propriétaire d’une marque française constituée de la dénomination “Costa croisières”. Etant donné sa réputation, cette marque doit être qualifiée de notoire. Il est donc incontestable qu’il justifie de ses droits de propriété intellectuelle sur l’expression constituant le nom de domaine litigieux.

Le Défendeur a enregistré un nom de domaine reprenant quasiment à l’identique les termes de la marque du Requérant. En effet, les différences entre ses signes et le nom de domaine litigieux sont minimes. Il existe donc une imitation répréhensible car elle engendre un risque de confusion pour l’internaute d’attention moyenne.

L’article 19 (1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

Il est évident que lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux, il ne pouvait pas ignorer la notoriété de l’expression qui constitue son nom de domaine. De même, il ne pouvait pas davantage se méprendre sur le fait que la dénomination “Costa croisières” faisait déjà l’objet d’une exploitation en tant que nom de domaine quasi-identique sur le réseau internet.

Le Défendeur a donc ignoré volontairement la prudence minimale qui s’impose à toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine sans porter atteinte aux droits des tiers.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc incontestablement atteinte aux droits que le Requérant détient sur sa marque.

Utilisation du nom de domain en violation des droits des tiers

Le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux afin de bénéficier de la confusion des internautes qui pensent faussement s’être connectés sur le site officiel du Requérant, par exemple à la suite d’une erreur de frappe. Il espère que ces internautes cliqueront sur les liens commerciaux proposés sur la page “parking” de ce site afin de recevoir les rémunérations publicitaires qui en résultent.

En outre, le Défendeur n’est en aucune manière affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser la dénomination “Costa croisières” pour son site internet. Il n’a donc aucun intérêt légitime à l’utiliser dans le nom de domaine litigieux.

Il convient donc de constater que le Défendeur a souhaité tirer profit, de façon malhonnête, de la renommée du Requérant, en créant une confusion dans l’esprit des internautes. Ce comportement doit être qualifié de déloyal et de parasitaire.

L’utilisation du nom de domaine <costacroisiere.fr> porte donc indéniablement préjudice aux droits du Requérant.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <costacroisiere.fr>.


Christophe Caron
Expert

Date : Le 14 décembre 2007