WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Acrodunk Communication contre Jérôme Salot

Litige n° D2006-0998

 

1. Les parties

Le requérant est la société Acrodunk Communication, Feurs, France, représentée par Cabinet Laurent & Charras, France.

Le défendeur est Jérôme Salot, Civens, France, représenté par Cabinet Lexface, Societé d’Avocats au Barreau de Saint Etienne, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <crazydunkers.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est BookMyName SAS.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Acrodunk Communication auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 4 août 2006.

En date du 8 août 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, BookMyName SAS, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 9 août 2006.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 11 août 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 31 août 2006. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 31 août 2006.

En date du 11 septembre 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Isabelle Leroux. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Le 29 septembre 2006, l’expert demandait tant au Requérant qu’au Défendeur des informations complémentaires, et ce conformément au paragraphe 12 des Règles d’application des Principes directeurs. Les 9 et 16 octobre 2006, le Requérant et le Défendeur communiquaient de nouveaux éléments.

 

4. Les faits

Le Requérant, la société Acrodunk Communication, est une société française ayant pour activité la production de spectacles acrobatique.

Monsieur Jérôme SALOT, le Défendeur, est membre d’une troupe de spectacle acrobatique, appelée les “Smatcheurs Fous” qui se traduit en anglais par “Crazy Dunkers”.

Le Requérant justifie être titulaire de la marque française verbale CRAZY DUNKERS, déposée le 19 septembre 2005, et enregistrée sous le numéro 05 3 380 596, pour désigner les produits et services relevant des classes 25, 28 et 41.

Le nom de domaine <crazydunkers.com> a, quant à lui, été enregistré le 5 octobre 2000, au nom de Bernadette Salot, mère de Jérôme Salot et gérante de la société Acrodunk Communication.

Monsieur Jérôme Salot a acquis, auprès de sa mère, le 29 septembre 2005, le nom de domaine <crazydunkers.com>.

Le 2 août 2006, le Requérant, Acrodunk Communication, assignait notamment le Défendeur, Monsieur Jérôme Salot, devant le Tribunal de Grande Instance de Montbrison aux fins de voir faire interdiction à Monsieur Jérôme Salot de faire usage du nom “Crazy Dunkers” dans toutes ses déclinaisons, à quelque titre que ce soit.

C’est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant est la société Acrodunk Communication, créée le 28 janvier 1999, dont le nom commercial est Crazy Dunkers.

Cette société a pour associé l’un des parents de chaque membre d’une troupe, appelée les “Smatcheurs Fous” qui se traduit en anglais par “Crazy Dunkers”, ce qui permet aux membres de la troupe de bénéficier du statut d’intermittents du spectacle.

Cette troupe a été créée en 1993 par Messieurs Samuel Tillon, Emmanuel Pilon, Samuel Seite et Laurent Valla, et s’est produite pour la première fois à Pâques 1993 à l’occasion d’un tournoi de basket dans la région du Forez dont ils sont tous issus.

En 1994, plusieurs personnes, dont Monsieur Jérôme Salot ont rejoint la troupe.

C’est dans ces conditions que Madame Bernadette Salot, mère de Jérôme Salot, a été nommée gérante de la société. Toutefois, dès 2005, des tensions sont apparues dès lors que certains membres des Crazy Dunkers et les associés de la société Acrodunk Communication n’approuvaient visiblement plus la manière dont Madame Salot gérait l’entreprise.

Madame Bernadette Salot, refusant de démissionner, les membres de la troupe et les autres associés ont initié une procédure judiciaire afin d’obtenir la démission de Madame Bernadette Salot et ont procédé en leur nom, au dépôt de la marque française CRAZY DUNKERS, n°05 3 380 596, le 19 septembre 2005, en vue de préserver l’élément d’identification de leur troupe. Par contrat en date du 12 avril 2006, les membres fondateurs de la troupe cédaient la marque CRAZY DUNKERS à la société Acrodunk Communication.

C’est dans ce contexte conflictuel que Madame Bernadette Salot a transféré le nom de domaine à son fils, Monsieur Jérôme Salot, le 29 septembre 2005.

Tout d’abord, le Requérant, Acrodunk Communication, considère que le nom de domaine litigieux est identique, voire semblable au point de prêter confusion, à la marque CRAZY DUNKERS.

Par ailleurs, le Requérant considère que le nom de domaine a été transféré au Défendeur, durant une période conflictuelle où les associés et les membres de la troupe avaient été de facto exclus du fonctionnement normal de l’entreprise.

Au surplus, le Requérant considère que le nom Crazydunkers est attaché à la société Acrodunk Communication, et que Monsieur Salot n’a aucun droit, à titre individuel, sur ce nom.

Enfin, le Requérant considère que le nom de domaine a été transféré de mauvaise foi dès lors que, en raison des fonctions exercées par sa mère, Monsieur Jérôme Salot ne pouvait ignorer l’existence des droits de la société Acrodunk Communication sur ce même nom.

Selon le Requérant, Madame Bernadette Salot ne pouvait en effet ignorer, à la date des agissements, qu’en sa qualité de gérante, elle était seule à pouvoir signer cette convention au bénéfice de son fils.

Par conséquent, le Requérant estime que le transfert du nom de domaine a eu lieu de mauvaise foi. Au surplus, le Requérant considère que l’usage a été fait de mauvaise foi dès lors que le Défendeur ne peut pas utiliser le nom de domaine, sans porter atteinte aux droits à titre de marque du Requérant.

En conséquence, le Requérant demande que le nom de domaine <crazydunkers.com> lui soit transféré.

B. Défendeur

Le Défendeur est Monsieur Jérôme Salot, un des fondateurs de la troupe d’artistes connue sous le nom les “Crazy Dunkers”.

Selon le Défendeur, l’entité du Requérant, la société Acrodunk Communication, est totalement différente et indépendante de la troupe des Crazydunkers.

Au cours de l’année 2000, Monsieur Salot, dans le cadre de la promotion de la troupe des Crazydunkers dont il fait partie, a développé les outils de communication de la troupe et notamment procéder à la création d’un site Internet et au dépôt du nom de domaine correspondant <crazydunkers.com>, le 5 octobre 2000.

Selon le Défendeur, le nom de domaine litigieux a été déposé au nom de sa mère car, à la date du dépôt, il vivait au domicile parental. Par conséquent, selon le Défendeur, le dépôt du nom de domaine litigieux n’est en aucun cas intervenu pour le compte de la société Acrodunk Communication.

Le 29 septembre 2005, les droits arrivant à expiration, Madame Bernadette Salot a transféré le nom de domaine à son fils.

Selon le Défendeur, le nom de domaine n’a pas été enregistré et utilisé de mauvaise foi dès lors que le nom de domaine litigieux a été enregistré antérieurement au dépôt de la marque.

 

6. Discussion et conclusions

L’article 18 des “Règles d’application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine” prévoit que “Lorsqu’une procédure judiciaire a été engagée avant ou pendant la procédure administrative concernant le litige sur le nom de domaine qui fait l’objet de la plainte, il appartient à la commission de décider de suspendre ou de clore la procédure, ou de la poursuivre et de rendre sa décision”.

En l’espèce, l’examen du dossier révèle qu’une procédure judiciaire concernant, le nom de domaine <crazydunkers.com> a été initiée avant le dépôt de la plainte devant l’OMPI par le Requérant.

En effet, par exploit d’huissier, en date du 2 août 2006, la société Acrodunk Communication a notamment assigné, Monsieur Jérôme Salot aux fins de lui voir interdire, en particulier, sous astreinte, l’usage du nom “Crazy Dunkers” dans toutes ses déclinaisons.

En particulier, l’assignation, fait état de ce que la société Acrodunk Communication a attiré l’attention de Monsieur Jérôme Salot sur le fait que le site “www.crazydunkers.com” avait été créé pour le compte de la société Acrodunk Communication qui en a acquis les droits et qu’il devait en conséquence cesser toute exploitation de ce site.

En l’espèce, il ne fait aucun doute que la décision rendue par le tribunal de grande instance de Montbrison aura une incidence sur le présent litige dès lors que le tribunal devra décider si Monsieur Jérôme Salot peut licitement ou non utiliser le nom “Crazy Dunkers”.

Afin d’éviter que des décisions contradictoires soient rendues du fait de la connexité des deux actions initiées, l’une devant le Centre et l’autre devant le Tribunal de Grande Instance de Montbrison, et compte tenu des circonstances de ce litige, la Commission rejette la plainte et invite le Requérant à faire valoir ses droits devant le Tribunal de Grande Instance de Montbrison.

 

7. Décision

Conforment à l’article 18 des règles d’application des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine, la commission, au regard des faits ci-dessus exposés, décide de clore la procédure et invite le Requérant à faire valoir ses droits devant le Tribunal de Grande Instance de Montbrison.


Isabelle Leroux
Expert Unique

Le 10 novembre 2006