WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

France Telecom contre 9.associes.com

Litige n° D2006-0343

 

1. Les parties

Le Requérant est France Telecom, Paris, France, représenté par DS Avocats, France.

Le Défendeur est 9.associes.com, Lagny sur Marne, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <wanakoo.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est DSTR Acquisition VII, LLC d/b/a Dotregistrar.com.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par France Telecom auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 20 mars 2006.

En date du 20 mars 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, DSTR Acquisition VII, LLC d/b/a Dotregistrar.com, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 22 mars 2006.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 11 avril 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 1 mai 2006. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 1 mai 2006.

En date du 5 mai 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

En date du 12 mai 2006, le Requérant a adressé au Centre des observations en réplique à la réponse du Défendeur. La Commission ayant jugé opportun de prendre en considération ces observations supplémentaires, celles-ci lui ont été adressées ce même jour.

Le Défendeur ayant demandé au Centre, le 13 mai 2006, un délai pour fournir une réponse aux observations en réplique à sa réponse déposées par le Requérant, la Commission a transmis aux parties une Ordonnance fixant un délai au 26 mai 2006 pour que le Défendeur réponde à la réplique.

Aucune réponse n’a été soumise à la Commission dans le délai prescrit.

 

4. Les faits

Les faits détaillés ci-après ont dûment été exposés et prouvés par le Requérant, et leur authenticité n’a pas été contestée par le Défendeur.

Le Requérant indique notamment dans sa plainte que “FRANCE TELECOM, est l’un des principaux opérateurs de télécommunications au monde, présent sur les cinq continents. Second opérateur mobile et fournisseur d’accès Internet en Europe et parmi les leaders mondiaux des services de télécommunications aux entreprises multinationales, FRANCE TELECOM est coté en Bourse à Paris et à New York”.

France Telecom assure la promotion de ses produits et services au travers de marques d’envergure internationale telles que ORANGE, WANADOO, EQUANT, GLOBECAST.

Le Requérant indique par ailleurs, ce qui n’est pas contesté par le Défendeur, que ce dernier “a pour activité:le conseil, la formation des adultes et la formation continue, la formation interne des administrations publiques, les émissions éducatives radiodiffusées ou télévisées, l’enseignement par correspondance, la gestion, la réalisation et la régie de supports publicitaires ainsi de d’événementiel dans la communication, la conception, la production, le développement et l’hébergement de site Internet Intranet et la fourniture d’accès à ces réseaux”.

Au courant de l’année 2004, le Défendeur a contacté le Requérant en vue du développement d’un projet de partenariat, ce projet étant dénommé “wanakoo.com” dans le courrier électronique adressé le 21 mai 2004 par le Défendeur au Requérant.

Après avoir constaté l’existence du nom de domaine <wanakoo.com>, réservé au nom du Défendeur, le Requérant lui a fait parvenir, les 20 décembre 2005 et 2 janvier 2006, une lettre le mettant en demeure de transférer à son profit la titularité du nom de domaine litigieux.

Dans sa réponse du 17 janvier transmise par l’intermédiaire de son avocat, le Défendeur estimait que les revendications du Requérant étaient infondées et refusait en conséquence de faire droit à la demande de ce dernier.

Dans ses observations en réplique à la réponse du Défendeur, le Requérant a contesté les arguments avancés par le Défendeur.

Le nom de domaine litigieux n’héberge aucun site actif.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant invoque à l’appui de sa plainte les marques suivantes constituées du terme WANADOO dont il est titulaire :

- marque française n° 95 573 014 déposée le 24 mai 1995;

- marque internationale n° 647 632 déposée le 17 novembre 1995;

- marque communautaire n° 000505883 déposée le 21 mars 1997 et enregistrée le 8 janvier 1999.

Le Requérant estime que le nom de domaine <wanakoo.com> est similaire aux marques WANADOO dont il est titulaire, le terme “wanakoo” étant composé du même nombre de lettres que les marques WANADOO, et ne différent de ces dernières que par une seule lettre. Il invoque par ailleurs le fait que “le défendeur ne pouvait ignorer l’existence des marques WANADOO et autres signes distinctifs WANADOO qui jouissent en France et à l’étranger d’une importante notoriété.

Le Requérant expose par ailleurs que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux dans le but soit de détourner les internautes souhaitant consulter le site “www.wanadoo.com” ou “www.wanadoo.fr” appartenant au Requérant, soit de monnayer le nom indûment réservé. Le Requérant fait également valoir que le Défendeur n’est pas connu, et n’a jamais été connu, sous le terme constitutif du nom de domaine “wanakoo.com”, de sorte qu’il n’avait aucun droit ou intérêt légitime sur ce terme constitutif du nom de domaine en litige.

Concernant l’existence de contacts entre les parties, le Requérant précise que “les communications ayant eu lieu entre les deux sociétés portaient sur un “projet” de partenariat et non sur une relation déjà établie” de sorte qu’elle n’était pas informée de la réservation du nom de domaine <wanakoo.com> par le Défendeur depuis le mois d’avril 2004.

B. Défendeur

Le Défendeur fait valoir quant à lui que “les noms de domaine en cause ne sont pas identiques, de surcroît, le signe distinctif qui les différencie, la lettre k, est notoirement discriminant tant sur le plan visuel que phonétique”, tout en reconnaissant la “notoriété écrasante” de la marque WANADOO du Requérant. Elle reconnaît par ailleurs une “similarité relative du nom de domaine incriminé avec la dénomination Wanadoo”.

Le Défendeur affirme également que “le nom de domaine wanakoo.com a été enregistré le 14 avril 2004, dans le cadre d’un projet présenté par la société “9associes.com” au Vice-Président de France Télécom et adressé en fichier électronique à l’intention du Président de Wanadoo, le 21 mai 2004, contrairement aux allégations du requérant qui affirme avoir pris connaissance de cet enregistrement en décembre 2005”; que le Requérant “pendant les 12 mois de discussion du dit projet, n’a d’ailleurs jamais soulevé d’objections à l’enregistrement du nom de domaine <wanakoo.com> par le défendeur” et que “ce n’est qu’après avoir été sollicité par deux internautes pour l’achat du nom de domaine, [qu’il a] repris contact avec Wanadoo pour les en informer et leur proposer en priorité le rachat du nom de domaine, démarche qui n’a fait l’objet d’aucune réponse”.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits,

- Le Défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,

- Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La Commission administrative examine ci-après le bien fondé de l’argumentation du Requérant sur ces trois points.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission relève en premier lieu que le Requérant a dûment établi les droits qu’il détenait sur la dénomination WANADOO à titre de marque.

Le terme “wanakoo” constituant le nom de domaine litigieux est constitué de sept lettres, de même que la marque WANADOO du Requérant. Le nom de domaine litigieux reproduit dans un ordre et à un rang identiques six des sept lettres composant la marque du Requérant (W, A, N, A, O, O), seule la lettre K étant substituée à la lettre D de la marque WANADOO.

Le terme “wanakoo” et la marque WANADOO présentent en conséquence, sur le plan visuel, une même architecture d’ensemble.

Il en est de même sur le plan phonétique, le terme WANAKOO et la marque WANADOO consistant pareillement en une dénomination de longueur identique dominée par des consonances quasi-identiques. Elles présentent au surplus la même alternance de consonnes et voyelles, ce qui leur confère un rythme et une sonorité très proches WA – NA – KOO / WA – NA – DOO.

Il existe en conséquence, de par la similitude existant entre les termes en présence, un risque que le public n’opère une confusion entre le nom de domaine <wanakoo.com> et les marques constituées du terme WANADOO appartenant au Requérant. Ce risque est d’autant plus grand que la marque WANADOO du Requérant bénéficie, comme le reconnaît le Défendeur, d’une “notoriété écrasante”.

Le nom de domaine en litige est donc semblable à la marque du Requérant au point de préter à confusion.

B. Droits ou légitimes intérêts

Selon le Requérant, le Défendeur n’est pas connu, et n’a jamais été connu, sous le terme constitutif du nom de domaine <wanakoo.com>, ce qui n’est pas contesté par le Défendeur.

Pour sa part, le Défendeur ne fait valoir aucun élément pouvant laisser penser qu’il a été autorisé par le Requérant à utiliser un nom de domaine incluant le terme “wanakoo” à quelque titre que se soit ou à réserver le nom de domaine <wanakoo.com>. En conséquence, le Défendeur doit être considéré comme n’ayant aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine <wanakoo.com>.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La réalisation de l’une des circonstances énumérées de manière non exhaustive au paragraphe 4(b) des Principes directeurs est susceptible d’établir que le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi

Il ressort clairement des documents fournis par le Requérant que sa marque WANADOO bénéficie d’une notoriété très élevée, notamment sur le territoire français. Pour sa part, le Défendeur, personne physique de nationalité française et résidant en France considère lui-même dans sa réponse que la marque WANADOO bénéficie d’une “notoriété écrasante (…) largement démontrée par le Requérant”.

Par ailleurs, tel que cela ressort de la réponse du Défendeur, le nom de domaine <wanakoo.com> a été réservé dans le cadre de contacts avec le Requérant en vue du développement d’un projet en commun entre les parties.

A cet égard, il convient de préciser que les projets du Défendeur, quand bien même celui-ci aurait l’intention d’entamer des discussions avec le Requérant, ne l’autorisent en aucun cas à procéder à la réservation d’un nom de domaine similaire à la marque WANADOO du Requérant. Mais si une telle réservation est susceptible de faire l’objet d’une action judiciaire devant les juridictions compétentes, elle n’est pas suffisante pour caractériser la mauvaise foi au sens du paragraphe 4(b) des Principes directeurs. Il convient dès lors de rechercher, dans les circonstances de l’affaire telles qu’exposées par les parties dans leurs communications respectives, l’existence d’éléments caractéristiques de la mauvaise foi invoquée par le Requérant.

En l’absence d’éléments contraires apportés par le Requérant, la Commission ne remet pas en cause l’affirmation du Défendeur selon laquelle il n’a jamais fait sienne “la pratique consistant à acheter des noms de domaine dans le seul but de les monnayer”. La Commission ne voit par ailleurs aucune raison de douter du fait que le nom de domaine <wanakoo.com> a été réservé dans le seul cadre du projet que le Défendeur entendait mener à bien avec le Requérant.

Toutefois, ce dernier point est, en lui-même porteur d’éléments de nature à caractériser la mauvaise foi de la part du Défendeur. En effet, il ressort de la chronologie des discussions entre les parties telle que fournie par le Défendeur et de l’examen de l’extrait Whois du nom de domaine <wanakoo.com>, que celui-ci a été réservé le 14 avril 2004, soit au tout début des premières discussions avec le Requérant, lorsque le projet lui a été présenté par le Défendeur.

Une telle manière de procéder ne peut qu’être analysée en une manœuvre visant, pour le Défendeur, en s’appropriant un nom de domaine similaire à l’une des marques du Requérant, à le contraindre à donner une suite favorable à sa proposition de projet, sous peine de voir le Défendeur développer le projet lui-même ou un partenariat avec un tiers concurrent, sous le nom de domaine en question.

C’est d’ailleurs ce qui ressort du courrier électronique du 10 octobre 2005 adressé par le Défendeur au Requérant, dans lequel le premier, prenant acte de l’absence d’aboutissement du projet, fait état de contacts avec deux sociétés tierces en vue du rachat du nom de domaine <wanakoo.com>, et en informe le Requérant “avant d’engager plus avant les négociations avec les acheteurs du nom de domaine”.

Dès lors, de tels agissements consistant, de la part du Défendeur, en déposant le nom de domaine <wanakoo.com>, à tenter de contraindre le Requérant à entrer dans une relation contractuelle avec lui et à laisser entendre, lors de la rupture des discussions, qu’il s’apprête à céder à des tiers ce nom de domaine dont il sait qu’il est similaire à la marque WANADOO du Requérant, puisqu’il a été déposé dans un but d’association avec cette marque, constituent indiscutablement la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

 

7. Décision

Pour les motifs exposés ci-dessus, et en application du paragraphe 4(i) des Principes Directeurs, et du paragraphe 15 des Règles, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <wanakoo.com> au profit du Requérant.


Martine Dehaut
Expert Unique

Le 30 mai 2006