WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

ANIL c. EUROTASTIC ou EURORASRIC Ltd et LANTEC CORPORATION

Litige n° DFR2005-0015

 

1. Les parties

Le Requérant est ANIL, l’Agence Nationale d’Information pour le Logement, association loi 1901, située 2, boulevard St Martin 75010 Paris.

Les Défendeurs sont les sociétés EUROTASTIC ou EURORASRIC, et LANTEC CORPORATION, situées 1, rue du Général Delanne, 92200 Neuilly sur Seine, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire internet

Le litige concerne le nom de domaine <anil.fr> enregistré le 28 juin 2005 et le nom de domaine <adil.fr>, enregistré le 1er juin 2005.

Le prestataire internet est la société Safenames Ltd.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 27 septembre 2005 par courrier électronique et le 29 septembre 2005 sur support papier.

Le 28 septembre 2005, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’Afnic) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 29 septembre 2005, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, le 16 septembre 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée aux Défendeurs le 3 octobre 2005. Les Défendeurs devaient adresser leur réponse au Centre au plus tard le 23 octobre 2005. Les Défendeurs n’ayant pas répondu, une notification d’un défaut de défendeur a été émise le 24 octobre 2005.

Le 3 novembre 2005, le Centre nommait Isabelle Leroux comme expert dans le présent litige. L’expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le Requérant, l’Agence Nationale d’Information pour le Logement (ANIL) est une association française régie par la loi du 1er juillet 1901 qui a été créée en mars 1975 sous l’impulsion des pouvoirs publics.

L’ANIL, comme les ADIL au plan local, regroupe les principaux responsables de l’habitat : professionnels publics et privés de l’immobilier, organismes représentant les familles et les usagers, pouvoirs publics et organisations d’intérêt général. Les ADIL sont agréés par le Ministère chargé du logement.

La mission du réseau ANIL-ADIL est d’informer les particuliers sur toutes les questions juridiques, financières et fiscales concernant le logement.

Le Requérant justifie être titulaire de la marque suivante :

- Marque française semi-figurative ANIL, déposée le 1er août 1988 et enregistrée sous le numéro 1 674 807, dûment renouvelée le 23 septembre 1998, pour désigner les produits et services relevant des classes 36 et 42.

- Marque française verbale ADIL, déposée le 28 juillet 1988 et enregistrée sous le numéro 1 681 780 auprès de l’INPI, dûment renouvelée 28 juillet 1998 pour désigner les produits et services relevant des classes 36 et 42.

Le Requérant est également titulaire des noms de domaine suivants :

- <anil.org>, enregistré le 24 janvier 1997 et

- <adil.org>, enregistré le 27 juin 1997.

Le premier Défendeur, la société EUROTASTIC ou EURORASRIC Ltd est une société, de droit étranger, agissant dans le secteur des télécommunications et ayant un établissement en France. Cette société a enregistré le nom de domaine <adil.fr>, le 1er juin 2005.

Le nom de domaine <adil.fr> renvoyait à un site internet proposant plusieurs liens hypertextes, ayant un lien avec le secteur de l’immobilier tels que :

“Stephan Demeyer, Immobilier haut de gamme, Alpes, Région des Lacs, www.demeyer-immobilier.fr.”

“Eurosud Immobilier ORPI, Agence Immobilière Canes et région Appartements, villas et terrains, www.eurosudimmo.com.”

“Vendre votre bien, Tout ce qu’il importe de savoir sur le thème maison ! www.infomaison.ch.”

Par courrier recommandé du 14 septembre 2005, le Requérant a mis en demeure la société EUROSTATIC de cesser l’utilisation du nom de domaine litigieux.

Le second Défendeur, la société LANTEC CORPORATION est une société de droit étranger, fournissant des services annexes à la production, et ayant un établissement en France. Cette société a enregistré le nom de domaine <anil.fr> le 28 juin 2005.

Le nom de domaine <anil.fr> renvoyait à un site internet reproduisant à l’identique, les liens hypertextes figurant sur le site internet <adil.fr>.

Par courrier recommandé du 14 septembre 2005, le Requérant a mis en demeure la société LANTEC CORPORATION de cesser l’utilisation du nom de domaine litigieux.

C’est dans ces conditions que le Centre a été saisi du présent litige.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant indique, que les associations ANIL et ADIL regroupe les principaux responsables de l’habitat : professionnels publics et privés de l’immobilier, organisations d’intérêt général.

Leur mission est d’informer les particuliers sur toutes les questions juridiques, financière et fiscales concernant le logement et ceci totalement gratuitement.

Le Requérant est titulaire de droits privatifs sur les dénominations ADIL et ANIL. Ces dénominations sont également protégées à titre de noms de domaine.

Plus particulièrement, le nom de domaine <anil.org> bénéficie d’une certaine notoriété puisque le site internet qui y est attaché fait l’objet de 200 000 visites et plus d’un million de pages vues par mois.

L’utilisation par les Défendeurs de la reproduction exacte des dénominations ANIL et ADIL au travers des noms de domaine <adil.fr> et <anil.fr> pour développer des activités commerciales dans le domaine du logement est incontestablement trompeuse et de nature à induire en erreur les internautes.

De tels actes sont constitutifs de contrefaçon au sens des articles L. 713-2 et L. 713-3 du CPI.

En conséquence, le Requérant demande que les noms de domaine <adil.fr> et <anil.fr> lui soient transférés.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par le défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence sa transmission à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement, “il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte”.

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et au droit au nom, au prénom ou au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine litigieux portent atteinte aux droits de tiers et, le requérant sollicitant la transmission de ce nom de domaine à son profit, s’il justifie de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

L’Expert constate que les noms de domaine litigieux constituent la reproduction et l’imitation des marques et noms de domaine dont le Requérant est titulaire et dont il fait un usage public.

En effet, le nom de domaine <adil.fr> constitue la reproduction de la marque verbale française ADIL, déposée le 28 juillet 1988 à l’INPI ainsi que la reproduction du nom de domaine <adil.org>.

Par ailleurs, le nom de domaine <anil.fr> constitue l’imitation de la marque semi-figurative française n° 1 674 807, déposée le 1er août 1998. Et le fait que l’élément figuratif de cette marque ne soit pas reproduit n’est pas de nature à écarter tout risque de confusion avec les marques et noms de domaine exploités par le Requérant.

De leur côté, les Défendeurs n’ont communiqué aucun élément de nature à justifier l’existence de droits antérieurs sur les dénominations <anil.fr> et <adil.fr>.

Par ailleurs, eu égard à l’importance des activités du Demandeur dans le secteur de l’immobilier sur le territoire français, les Défendeurs disposant d’un établissement en France, ne pouvaient sérieusement en ignorer l’existence.

En conséquence, l’Expert considère que l’enregistrement des noms de domaine litigieux par les Défendeurs est intervenu tout à la fois en violation des droits du Requérant sur les marques dont il est titulaire où dont il fait un usage public et en violation du principe de loyauté dans les relations commerciales.

Utilisation du nom de domaine litigieux

Le fait pour les Défendeurs de rediriger les noms de domaine litigieux vers des portails contenant des liens hypertextes en relations avec le logement ou l’immobilier, soit des sites potentiellement concurrents de ceux du Requérant, démontre la volonté du Défendeur d’induire en erreur l’internaute, qui peut penser, légitimement, accéder au site internet officiel du Requérant.

Ceci démontre également la volonté purement spéculative des Défendeurs qui entendent tirer ainsi profit de la notoriété des marques du Requérant par le trafic ainsi généré.

En conséquence, l’Expert considère que l’utilisation des noms de domaine litigieux par les Défendeurs est intervenu tout à la fois en violation des droits du Requérant sur les marques dont il est titulaire, ou dont il fait un usage public, et en violation du principe de loyauté dans les relations commerciales.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’expert ordonne la transmission au profit du Requérant des noms de domaine <adil.fr> et <anil.fr>.


Isabelle LEROUX
Expert Unique

Le 17 novembre 2005