WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

France Antilles, S.A. contre Monsieur Arnold Verhoeven / Hotel Thomas

Litige n° D2005-0772

 

1. Les parties

Le requérant est France Antilles, S.A., Paris, France, représenté par SELAFA DELSART-TESTON, France.

Le défendeur est Monsieur Arnold Verhoeven / Hotel Thomas, Le Cannet, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <paruvendu.info>.

Il a été enregistré le 9 octobre 2004.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Arsys Internet, S.L. dba NICLINE.COM.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par France Antilles, S.A. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 19 juillet 2005.

En date du 20 juillet 2005, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Arsys Internet, S.L. dba NICLINE.COM, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 20 juillet 2005.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 1 août 2005, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 21 août 2005. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 23 août 2005 le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 26 août 2005, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Jean-Claude Combaldieu. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

La présente décision est rédigée en français en application du paragraphe 11.a des Règles, compte tenu notamment du fait que la langue d’enregistrement du nom de domaine est le français et que les deux parties résident en France.

 

4. Les faits

Le requérant est la société est la société France Antilles S.A. dont le siège social est à Paris. Elle exerce son activité dans le domaine de la presse. En particulier elle édite un journal gratuit sous le nom de “ParuVendu” spécialisé dans les petites annonces.

Le requérant a déposé une marque française verbale PARUVENDU n° 3279804 le 15 mars 2004 dans les classes 9, 16, 35 et 41. Parmi la liste des produits et des services on trouve notamment les publications, journaux et magazines électroniques en ligne, les publications papier, les annonces, les publicités, etc…

Le requérant est aussi propriétaire d’une marque semi-figurative “ParuVendu” n°99806023 déposée le 26 juillet 1999 dans les classes n° 9, 16, 35, 38, 42. Figurent dans la liste des produits et services la transmission d’informations par réseau Internet et la création de sites Internet.

Le défendeur n’a apporté aucune information car il n’a pas répondu à la notification de la plainte.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant expose que la société France Antilles exerce une activité bien connue dans le domaine de la presse. Depuis des années elle édite et distribue un journal gratuit d’annonces et de publicité dénommé ParuVendu.

Elle est par ailleurs propriétaire des marques visées ci-dessus sous le pagraphe “Les faits”.

En décembre 2003, le requérant a donné une licence non exclusive des marques a une société Comareg, spécialisée dans la presse gratuite, et filiale de France Antilles.

Cette société Comareg exploite effectivement la licence en particulier sur le site Internet “www.paruvendu.fr”, nom de domaine qu’elle a enregistré le 13 avril 2004 auprès de l’unité d’enregistrement SDV PLURIMEDIA. Cette exploitation est en relation avec une activité d’édition de petites annonces et publicités.

Or le défendeur a enregistré le 9 octobre 2004 le nom de domaine <paruvendu.info> soit postérieurement à l’enregistrement des marques précitées appartenant au requérant.

Ce nom de domaine litigieux constitue la reproduction à l’identique de la marque verbale PARUVENDU n° 3279804 étant précisé qu’il n’y a pas lieu dans l’appréciation des ressemblances de tenir compte du domaine générique de premier niveau (.info).

L’identité, ou à tout le moins la similitude, entre le nom de domaine litigieux et les marques antérieures du requérant est évidente et provoque la confusion dans l’esprit du public.

Ensuite le requérant soutient que le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

En effet le défendeur n’exerçait aucune activité sous ce nom avant d’enregistrer le nom de domaine litigieux et n’est titulaire d’aucun droit sur la dénomination PARUVENDU que ce soit à titre de marque, de nom commercial ou d’enseigne. Une recherche au registre du commerce et des sociétés révèle que le défendeur, Monsieur Verhoeven, exerce une activité d’hôtellerie sous le nom commercial HOTEL THOMAS.

Il est donc clair que l’usage de PARUVENDU par le défendeur en relation avec des petites annonces n’avait d’autre but que de détourner à son profit à des fins lucratives la clientèle du requérant.

Enfin le requérant soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En mai 2003, la société France Antilles a racheté la société Comareg, leader de la presse gratuite. Elles ont fusionné leurs réseaux sous la seule dénomination PARUVENDU et réalisent depuis janvier 2004 plus de 220 publications gratuites PARUVENDU sur l’ensemble du territoire français ce qui représente plus de 17 millions de journaux par semaine. Dix millions d’euros ont été investis dans cette publication.

Par ailleurs ces deux sociétés exploitent ensemble le site Internet “www.paruvendu.fr” qui est le site de référence de la petite annonce en France : 1 200 000 annonces et plus de 100 000 annonceurs professionnels par an.

Dès la fin 2003, de nombreux journaux (dont Le Monde, La tribune, Le Progrès, etc…) faisaient état du rapprochement des deux sociétés et le requérant, France Antilles, a investi plus de 500 000 euros dans une campagne publicitaire d’affichage et radiophonique (RTL) à partir de janvier 2004 ainsi qu’une campagne de presse.

Tout ceci montre qu’à la date où le défendeur a procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux l’existence du journal PARUVENDU et du site Internet “paruvendu.fr” (référencé sur tous les moteurs de recherche) étaient largement connus.

En conséquence l’enregistrement par le défendeur du nom de domaine litigieux le 9 octobre 2004, ne peut être fortuit et révèle sa mauvaise foi.

La présentation sur le moteur de recherche GOOGLE du site du défendeur comme “Le grand site de petites annonces gratuites!” est révélateur de la volonté du défendeur de créer la confusion dans l’esprit des consommateurs et de tirer indûment profit de la notoriété des marques du requérant sans bourse délier.

Une mise en demeure du défendeur, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 avril 2005, d’avoir à cesser ses activités frauduleuses et de rétrocéder le nom de domaine litigieux en France Antilles est restée sans effet. La mauvaise foi est donc établie.

En conclusion le requérant demande à la commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine <paruvendu.info>lui soit transféré.

B. Défendeur

Le défendeur est défaillant car il n’a pas répondu à la notification de la plainte. Il n’a donc présenté aucun argument pour sa défense.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) de Règles indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et Règles d’application ainsi que toutes les règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.

Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :

(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec la marque invoquée par le requérant;

(ii) Le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine enregistré;

(iii) Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Les arguments du requérant sur ce point nous paraissent tout à fait pertinents.

Il est en effet évident que le nom de domaine <paruvendu.info> du défendeur est identique à la marque verbale française PARUVENDU n° 3279804 qui appartient au requérant. En tant que de besoin nous rappelons que dans le cadre de la procédure UDRP il faut faire abstraction du domaine générique de premier niveau (com, org, net, info, etc…) pour apprécier l’identité ou la similitude.

Subsidiairement ce nom de domaine est aussi très similaire à la marque française semi-figurative “ParuVendu” n°99806023 qui appartient également au requérant.

Nous rappellerons enfin que ces marques, toutes deux antérieures à l’enregistrement du nom de domaine litigieux, sont déposées pour des produits ou services qui recouvrent complètement l’activité du défendeur sur son site “paruvendu.info”.

En conséquence nous estimons que le nom de domaine <paruvendu.info>est identique ou à tout le moins similaire aux marques du requérant au point de prêter à confusion.

B. Droits ou légitimes intérêts

Ici encore le requérant a démontré que le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

Il n’a eu aucun lien avec le requérant et n’a reçu aucune licence ou autre droit du requérant.

Il a commencé son activité d’annonces en ligne sur Internet bien après le dépôt des marques PARUVENDU par le requérant, bien après la publication d’annonces sur le journal gratuit du requérant “PARUVENDU” et bien après l’activité en ligne du requérant (en liaison avec la société Comareg rachetée entre temps) sur Internet d’annonces et de publicités sur le site “www.paruvendu.fr”.

En conclusion le défendeur ne peut se prévaloir de droits ou de légitimes intérêts sur le nom de domaine <paruvendu.info>

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux éléments déjà cités à l’encontre du défendeur s’en ajoutent d’autres qui, selon nous, établissent un enregistrement et un usage de mauvaise foi.

Tout d’abord la très large diffusion du journal gratuit ParuVendu a rendu ce titre, et donc cette marque notoire. Pratiquement tous les français ont trouvé un jour ou l’autre ce journal dans leur boite à lettre ou dans des présentoirs. Mis à part les journaux locaux, le requérant a versé au dossier une étude Sofres qui montre que ParuVendu arrive en tête des journaux gratuits en notoriété spontanée.

De plus le nom de domaine <paruvendu.fr> a été enregistré par la société Comareg (filiale de France Antilles) le 13 avril 2004 et est exploité depuis.

Il en résulte selon nous que l’enregistrement du nom de domaine litigieux, puis son usage ultérieur en ligne ne peut être le fait du hasard. Les circonstances qui entourent ces faits emportent notre conviction que le défendeur a volontairement cherché la confusion dans l’esprit de la clientèle et a indûment voulu détourner cette clientèle appartenant légitimement au requérant titulaire des marques.

D’ailleurs nous trouvons un autre indice de la mauvaise foi dans le fait que le défendeur n’a pas daigné répondre à la lettre recommandée avec accusé de réception qui lui a été adressée le 13 avril 2005.

En conclusion nous estimons que l’enregistrement du nom de domaine litigieux, puis son usage ont été faits de mauvaise foi.

 

7. Décision

Vu les paragraphes 4.i des Principes Directeurs et 15 des règles,

La Commission administrative décide :

(a) Que le nom de domaine <paruvendu.info> enregistré par Monsieur Arnold Verhoeven est identique ou du moins similaire au point de prêter à confusion avec les marques du requérant, la société France Antilles.

(b) Que Monsieur Arnold Verhoeven n’a aucun droit ni intérêt légitime à disposer du nom de domaine <paruvendu.info.

(c) Que ce nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine <paruvendu.info> soit transféré au requérant.


Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique

Le 30 août 2005