WIPO

Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI

 

DECISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

USINOR c/ STEFBEL

Litige n° D 2000-0686

 

1. Les Parties au Litige

1.1. Le Plaignant

[Règles, para. 3(b)ii) and (iii)]

Le Plaignant est la Société USINOR, Société Anonyme de droit français enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre, dont le principal établissement est situé à la Défense, Immeuble La Pacific – La Défense 7 – 11/13, cours Valmy – 92800 PUTEAUX - FRANCE.

Téléphone : 33 1 41 25 60 67
Télécopie : 33 1 41 25 59 50

La Société plaignante se présente en personne dans le cadre de cette procédure sans recours à un mandataire.

1.2. Le Défendeur à la présente procédure, tel qu’enregistré par l’unité d’enregistrement la Société TUCOWS.COM Inc., est désigné par le vocable STEFBEL dont le domicile déclaré est 8a, rue du Chablais à Annemasse (Haute Savoie – France). La Commission constate que dans sa réponse à la plainte, le Défendeur s’est présenté comme Monsieur Stéphane BELAICH domicilié à une adresse identique à celle déclarée pour STEFBEL, soit 8a, rue Chablais à Annemasse (74100). Monsieur Stéphane BELAICH est également le contact administratif, technique et financier désigné dans la fiche d’identité du nom de domaine en litige.

Le Défendeur se présente en personne dans le cadre de cette procédure sans recours à un mandataire.

 

2. Le Nom de Domaine en litige et l’unité d’enregistrement

2.1. Le nom de domaine en litige est "usinor-industeel.com".

2.2. Le nom de domaine en litige a été enregistré et attribué au Défendeur par la Société TUCOWS.COM Inc. Cette unité d’enregistrement a confirmé toutes les données du présent litige qui ont été présentées par le Plaignant dans sa Plainte.

 

3. Rappel de la Procédure

3.1. Une Plainte a été déposée par la Société USINOR conformément aux principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (le Règlement) adoptés et publiés par l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). La plainte a été enregistrée le 27 juin 2000 par le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (OMPI).

3.2. Le 30 juin 2000, une requête a été adressée à l’unité d’enregistrement du nom de domaine en litige à l’effet qu’il procède à la vérification des éléments du litige communiqués par le Plaignant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige communiqués par le Plaignant dans sa plainte.

3.3. Le 10 août 2000, une notification de plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur, avec copie à l’ICANN et à l’unité d’enregistrement.

3.4. Le 16 août 2000, le Défendeur adressait par courrier électronique au Centre de Médiation et d’Arbitrage une réponse confirmée par courrier postal le 17 du même mois. Le 17 août 2000, le Centre adressait au Défendeur l’accusé de réception de sa réponse.

3.5. Le 21 août 2000, les pièces du présent litige ont été adressées à la Commission Administrative constituée d’un seul Expert signataire des présentes.

 

4. Les faits

4.1. Le Plaignant est le propriétaire des marques "usinor industeel" n°00 3 021 391 déposée le 13 avril 2000 en classes 6,7, 38 et 40, "industeel" n°00 3 022 821 déposée le 19 avril 2000 en classes 6, 7, 38 et 40, "usinor" n° 1 385 207 protégée en France depuis janvier 1967 en classes 1 à 42, et largement protégée à l’étranger, notamment par la marque internationale R385 602 protégeant les produits de la classe 6.

4.2. De plus, le Plaignant est titulaire de la dénomination sociale "usinor" enregistrée au Registre français du Commerce et des Sociétés sous le numéro 562 094 425.

4.3. Le Plaignant détient également de nombreuses marques incluant le mot "usinor" qu’il a jointes en annexe de sa Plainte.

4.4. Le Défendeur, quant à lui, ne dispose d’aucun droit privatif sur le signe "usinor" mais revendique le droit, en tant que particulier, de disposer légitimement du nom de domaine en litige.

 

5. Moyens des Parties

A. Le Plaignant

5.1. Le Plaignant expose qu’"Usinor-Industeel" est similaire à "Usinor Industeel", "industeel" et "usinor". Il ajoute que ce signe prête à confusion avec ces trois noms et laisse entendre qu’il fait partie du Groupe. En effet, la présence ou l’absence de tiret ne change pas la compréhension du nom par les tiers.

5.2. Il expose également qu’Usinor est un groupe mondial largement connu et que déposer un nom de domaine dont l’accroche est USINOR tend à assimiler ce site aux sites du Groupe Usinor.

5.3. Enfin, le Plaignant argue de ce que STEFBEL a déposé son nom de domaine dans les jours qui ont suivi l’annonce générale à la presse du changement de nom des filiales d’USINOR "Creusot Loire Industrie" et "Fabrique de fer de Maubeuge" en "Usinor Industeel", qu’il n’est titulaire d’aucune marque ni dénomination sociale. Il en tire comme conséquence que le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher USINOR de reprendre la marque "USINOR INDUSTEEL" sous forme de nom de domaine.

5.4. Pour le Plaignant, il est clair que la raison qui a conduit le Défendeur à enregistrer le nom de domaine en litige tient essentiellement à l’objectif de perturber les opérations commerciales d’USINOR.

B. Le Défendeur

5.5. Le Défendeur considère qu’USINOR met en avant l’existence des marques Usinor et Usinor Industeel qu’il possède mais qu’il ne s’agit que de marques françaises dont la notoriété hors des frontières françaises reste à prouver, compte tenu que usinor industeel n’est pas une dénomination sociale.

5.6. Il ajoute que compte tenu que pour des marques de portée française, il existe la terminaison ".tm.fr" signifiant "trade mark France", et qu’il n’a revendiqué aucun droit à l’enregistrement du nom de domaine "usinor-industeel.tm.fr", le Plaignant ne peut pas prétendre que le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher USINOR de reprendre la marque "USINOR INDUSTEEL" sous forme de nom de domaine.

5.7. Le Défendeur ajoute que le fait qu’il ne soit titulaire d’aucune marque ni dénomination sociale et qu’il est un particulier, ne le prive nullement de ses droits ni d’un intérêt légitime sur le nom de domaine en litige.

5.8. Pour le reste, le Défendeur argue de ce que le Plaignant procède par allégations sans étayer ces moyens par des preuves.

5.9. Enfin, le Défendeur ajoute qu’il n’a jamais reçu une copie de la plainte du Plaignant du 27 juin 2000 par courrier électronique comme celui-ci le prétend. Il y voit en conséquence un vice de forme qui justifie, selon lui, que la plainte du requérant soit rejetée.

 

6. Discussion

6.1. Il convient en premier lieu de traiter la question du vice de forme allégué par le Défendeur. La Commission prend acte de la déclaration du Défendeur prétendant ne pas avoir reçu du Plaignant copie de la Plainte. La Commission constate cependant que l’unité d’enregistrement confirme, quant à elle, avoir bien été destinataire de la Plainte conformément aux règles de procédure arrêtées pour l’introduction de la procédure administrative.

En outre, la Commission constate que le Défendeur n’indique pas en quoi cette absence de copie alléguée lui causerait grief, celui-ci ayant eu tout le loisir de répondre à la Plainte, et rappelle en tout état de cause que l’ouverture de la procédure administrative prend effet à la notification de la Plainte au Défendeur par l’institution de règlement. Dans le cas présent, cette notification est intervenue le 10 août 2000, ce que ne conteste pas le Défendeur.

Dans ces conditions, ce premier moyen devra être écarté et il sera dit que la présente Procédure est régulière.

6.2. Dans l’exposé de sa plainte, le Plaignant a exactement démontré l’étendue et la régularité de ses droits sur la dénomination USINOR INDUSTEEL enregistrée à titre de marque en France, identique au nom de domaine en litige, ce que ne conteste d’ailleurs pas le Défendeur.

Le Défendeur cependant développe un certain nombre de moyens sur le caractère purement national des marques invoquées par le Plaignant. Outre le fait que les pièces versées au débat par le Plaignant démontrent qu’un grand nombre de marques internationales qui concernent le présent litige sont la propriété du Plaignant, ces moyens sont inopérants, la procédure administrative ayant justement pour objectif de s’affranchir de la question du caractère national ou pas de droits en présence, pour s’intéresser aux trois questions posées à l’article 4 a) du Règlement comme le rappelle d’ailleurs le Défendeur lui-même dans sa réponse.

6.3 Le Défendeur, par ailleurs, n’a apporté aucun démenti à la démonstration des droits invoqués par le Plaignant, alors que, de surcroît, le caractère notoire de la marque USINOR est également démontrée par le Plaignant dans sa Plainte et les pièces venant à son soutien, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’étudier le type de produits ou services visés dans les divers dépôts.

Dans ces conditions, la Commission constate les droits du Plaignant sur une marque identique au nom de domaine en litige outre l’existence de nombreuses marques nationales françaises ou internationales reproduisant USINOR. Elle constate également l’absence totale de droits du Défendeur sur ce même nom de domaine.

Pour autant, le Défendeur invoque à raison son droit à disposer d’un tel nom de domaine en tant que particulier, ce que le Règlement traduit par la notion "d’intérêt légitime" qui rend parfaitement ouverte la possibilité pour un particulier de disposer d’un nom de domaine. Cependant, la Commission constate que le Défendeur n’invoque aucun intérêt légitime à la détention d’un tel nom de domaine, celui-ci s’en tenant à une pétition de principe qui ne saurait constituer en elle-même un tel intérêt légitime.

6.4. Enfin, la Commission constate que, d’une part, domicilié en France, le Plaignant ne pouvait ignorer le caractère notoire de la marque USINOR telle que rappelée ci-avant. D’autre part, la Commission constate toujours qu’à la date du 16 mai 2000, date où le nom de domaine en litige a été attribué au Défendeur, le Plaignant ou le Groupe auquel il appartient avait annoncé le regroupement de Creusot Loire Industrie et Fabrique de Fer de Charleroi sous le nom en litige. La Commission constate que cette annonce avait donné lieu à publication dans la presse dix à quinze jours avant l’attribution au Défendeur du nom de domaine en litige. De surcroît, le Défendeur n’explique pas comment il a pu rapprocher la dénomination sociale d’une société de droit français notoire avec le mot "industeel", alors que ce rapprochement ne va pas de soi ni n’a de sens propre.

Il est inutile, comme l’allègue sans le prouver le Plaignant, de tenter de démontrer un but précis à l’enregistrement du nom de domaine en litige. En effet, la preuve d’un enregistrement et d’une utilisation de mauvaise foi d’un nom de domaine en litige, tel qu’en dispose l’article 4 a) iii) du Règlement, dont des exemples de preuve non limitatifs sont fournis à l’article 4 b), ressort de l’appréciation souveraine de la Commission au regard des faits qui lui sont rapportés, des échanges entre parties, des pièces versées au débat laquelle estime que compte tenu des éléments présentés, il est impossible d’envisager un dépôt et une utilisation de bonne foi du nom de domaine en litige "usinor-industeel.com".

Qu’en l’occurrence, la Commission considère que les faits de la présente procédure tels que rappelés ci-avant, démontrent que la condition posée à l’article 4 a) iii) est remplie.

 

7. Décision

7.1. Les conditions posées à l’article 4 a) des principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine étant réunies, la Commission Administrative décide en conséquence le transfert du nom de domaine "usinor-industeel.com" au profit de la Société USINOR.

 


 

Olivier ITEANU
Président de la Commission Administrative

Date : 28 août 2000